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Le contrôle fiscal par IA doit encore donner des gages d’efficacité

Dans un rapport sur la fraude fiscale des particuliers, la Cour des comptes salue les efforts de modernisation des outils de détection des irrégularités, notamment via l’utilisation de l’intelligence artificielle (IA), mais n’identifie à ce stade aucun “saut qualitatif” dans le ciblage des contrôles.
“Une incontestable modernisation des méthodes, des résultats encore insuffisants”. Le sous-titre choisi par la Cour des comptes pour son dernier rapport sur la lutte contre la fraude fiscale résume bien la situation. Dans un nouveau rapport d’initiative citoyenne, la Rue Cambon revient sur dix années d’évolution des outils de détection de la fraude fiscale. Depuis 2013 et la création de la mission “Ciblage de la fraude et valorisation des requêtes”, les Impôts ont investi des millions d’euros pour développer et déployer des algorithmes de traitement en masse des données afin de mieux cibler les contrôles fiscaux, en se focalisant d’abord sur les entreprises.

Avec un changement de logique de contrôle à la clé. À l’instar du contrôle des dépenses publiques, le ciblage des contrôles fiscaux se concentre de moins en moins sur l’importance des sommes en jeu que sur une analyse de risque grâce à l’intelligence artificielle. “Le recours au croisement de données en masse a été à l’origine, en 2022, de 155 000 propositions de contrôles de particuliers [sur 730 000 contrôles environ, ndlr], soit trois fois plus qu’en 2018”, indique la Cour des comptes dans son rapport, centré sur la fraude des particuliers. La fiscalité des particuliers (impôt sur le revenu, taxe foncière, droits de succession, impôt sur la fortune immobilière…) représentait 160 milliards d’euros en 2022, tandis que les sommes recouvrées par la direction générale des finances publiques (DGFIP) après contrôle se sont élevées à 14,6 milliards d’euros en 2022, entreprises et particuliers confondus. Les particuliers ne représentent toutefois que 20 % des sommes réclamées par l’administration fiscale.

Pour autant, observent les magistrats financiers, l’efficacité de ces nouvelles méthodes, par ailleurs très intrusives (comme le fait de passer au crible Internet à la recherche d’incohérences entre les déclarations des contribuables et le train de vie affiché sur leurs réseaux sociaux ou bien de scruter les images satellites à la recherche de constructions non déclarées comme des piscines), reste “difficile à évaluer”, faute de quantification précise de la fraude fiscale, qui devrait être la priorité numéro un.

Suppressions d‘emplois

“Les indicateurs et repères d’activité de la DGFIP portent sur les contrôles réalisés et ne font pas le lien entre les motifs qui ont conduit à programmer ces contrôles et leurs résultats”, déplore par ailleurs la Rue Cambon. Pour la simple et bonne raison que les principaux systèmes de la DGFIP utilisés pour le contrôle n’ont pas été conçus pour suivre la pertinence des contrôles, mais plutôt des montants à redresser. La refonte prévue de ces systèmes d’information devrait néanmoins améliorer les choses.

En tout état de cause, la proportion des contrôles ayant donné suité à un redressement est restée stable depuis 2018, ce qui ne dénote aucun “saut qualitatif” dans le ciblage des contrôles. En revanche, une chose est sûre, l’automatisation du ciblage des contrôles a bien généré des économies, en supprimant des centaines d’emplois.

Expliciter la stratégie

La Cour des comptes a néanmoins identifié quelques marges de progrès pour aller encore plus loin. À commencer par une meilleure exploitation des données, aujourd’hui limitée par “la conception en silos des systèmes d’information utilisés par l’administration fiscale, spécialisés par impôt ou par fonction (gestion des déclarations, contrôle, recouvrement, etc.)”. Là encore, la refonte des systèmes devrait faciliter la circulation des données et assurer une plus grande traçabilité des actions de l’administration fiscale, “de la réception des déclarations des contribuables jusqu’au contrôle fiscal et à ses suites”. Mais la Cour invite élargir encore le spectre des données étudiées, en allant récupérer aussi des informations provenant d’autres administrations, comme les douanes ou l’Urssaf, et d’autres ministères.

Elle appelle également l’État à “formaliser et structurer” sa stratégie de détection de la fraude, dans le cadre de son nouveau plan d’action antifraude, “alors qu’aucune de ses 35 mesures n’en traite directement”. Pour plus d’efficacité, certes, mais aussi pour offrir une meilleure lisibilité aux citoyens sur les techniques et approches à l’œuvre, et notamment sur le poids des contrôles ciblés par l’IA par rapport à des méthodes plus classiques que sont les contrôles aléatoires et les contrôles sur les dossiers à enjeux, ou bien encore par rapport à d’autres méthodes nouvelles, comme la prise en compte du risque de récidive.

Une transparence nécessaire pour dépasser leurs craintes vis-à-vis de pratiques parfois décriées – notamment sous le hashtag #BigBrotherBercy. “Alors que le débat public laisse parfois place aux suppositions et aux approximations, voire aux contre-vérités, il est de la responsabilité de l’administration fiscale d’expliquer qui elle contrôle et pourquoi, en vertu de quels risques, et avec quel équilibre entre la puissance des outils technologiques à sa disposition et la protection des droits des contribuables”, souligne en conclusion la Cour. Seul moyen, selon elle, de ne pas effriter le consentement à l’impôt.

Article Acteurs Publics du 15 novembre 2023

Article publié le 16 novembre 2023.


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