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Détection des fraudeurs sur Internet : Bercy tente de rassurer

L’utilisation de techniques d’analyse de données de masse appliquées aux réseaux sociaux “entend apporter une réponse aux limites de nos systèmes de détection actuels” tout en garantissant la vie privée des citoyens, a réagi Bercy suite au tollé suscité par l’autorisation prévue, dans le projet de loi de finances pour 2020, de la collecte de données des Français sur Internet pour repérer les fraudeurs fiscaux.

“D’ores et déjà, le gouvernement a souhaité apporter toutes les garanties nécessaires au regard du droit au respect de la vie privée.” Dans un communiqué, le ministère de l’Action et des Comptes publics s’est empressé de réagir pour tenter d’éteindre le début de polémique suscitée par un des articles du projet de loi de finances (PLF) pour 2020. L’article 57 de ce texte prévoit en effet que l’administration fiscale et celle les douanes puissent “collecter et exploiter au moyen de traitements informatisés et automatisés n’utilisant aucun système de reconnaissance faciale les contenus, librement accessibles, publiés sur Internet par les utilisateurs des opérateurs de plate-forme en ligne”.

Le but ? Autoriser l’administration à collecter en masse et à exploiter les données rendues publiques par les utilisateurs de réseaux sociaux et des plates-formes en ligne. Et ce afin de leur permettre de “mieux détecter des comportements frauduleux sans créer d’obligation déclarative nouvelle pour les contribuables et les opérateurs économiques”, si l’on en croit l’exposé des motifs de l’article.

Dans son communiqué, publié ce mardi 1er octobre, Bercy défend la mesure et rappelle les garanties déjà prévues par le PLF en la matière. “Le nouveau dispositif […] sera expérimenté pour une durée de trois ans. Les conditions de mise en œuvre de l’expérimentation seront détaillées dans un décret en Conseil d’État : ce texte sera soumis pour avis à la Cnil [la Commission nationale de l’informatique et des libertés, ndlr], qui pourra contrôler la pertinence du champ retenu et apprécier la proportionnalité du dispositif”. Et d’ajouter que les données recueillies “seront détruites dans un délai de trente jours si elles ne sont pas de nature à concourir à l’identification de manquements graves ou dans un délai d’un an si elles n’ont donné lieu à l’ouverture d’aucune procédure fiscale, douanière ou pénale”. Enfin, un rapport sera remis au Parlement six mois avant la fin de l’expérimentation, “pour en tirer le bilan”.

Réserves de la Cnil

“Un dispositif de ce type est inédit”, a toutefois déclaré la Cnil dans un communiqué du 30 septembre pour rendre public son avis sur le fameux article 57. “Il témoigne d’un changement d’échelle dans l’utilisation de données personnelles par ces administrations”, poursuit-elle.

Effectivement, et la DGFIP le reconnaît elle-même, l’utilisation de techniques de data mining (collecte et exploitation de données en masse) pour détecter des fraudes remonte à 2013, “mais l’exploration informatisée des données est actuellement limitée aux informations déclarées à l’administration (par exemple déclarations fiscales ou déclarations en douane) ou provenant d’autres administrations (par exemple via l’échange automatique d’informations) et de bases de données payantes”. L’expérimentation vise à étendre le champ des données concernées à toutes celles qui sont en libre circulation sur Internet, en particulier sur les réseaux sociaux.

Tout en rappelant la “légitimité des objectifs poursuivis”, ainsi que l’existence de certaines garanties, le gendarme des données personnelles appelle à la plus grande prudence et insiste sur l’impact du dispositif “sur la vie privée et ses possibles effets sur la liberté d’expression en ligne”. Elle demande au législateur d’intervenir pour en cadrer les usages (notamment les données concernées et la nature des traitements envisagés) et en renforcer les garanties vis-à-vis de l’équilibre entre l’objectif de lutte contre la fraude fiscale et le respect des droits et libertés des personnes. “La Cnil restera particulièrement attentive aux suites de ce texte ainsi qu’aux conditions de mise en œuvre effectives du dispositif”, assurait la Commission en conclusion.

Extension du “data mining”

De son côté, le gouvernement Philippe joue la carte de la transparence, assurant qu’il n’était pas obligé de passer par la voie législative pour autoriser ce type d’expérimentation et que ce choix “traduit la volonté d’organiser un débat démocratique qui permettra au législateur d’apporter de nouvelles garanties fondamentales si nécessaire”.

Si l’article 57 est le plus symbolique en ce qu’il étend le champ des données des utilisateurs concernées au-delà de la sphère administrative, d’autres mesures présentées dans le PLF, telles que le projet “Développement de la donnée en douane”, récemment bénéficiaire du fonds de transformation de l’action publique, laissent entrevoir une plus large utilisation des techniques d’exploration de données.

Du côté de l’administration fiscale, le recours accru à celles-ci, notamment dans le domaine de la lutte contre la fraude à la TVA, se justifie par le fait que “les comportements de fraude s’adaptent en permanence à leur environnement et des fraudes plus complexes, plus sophistiquées se sont développées”, plaide-t-elle dans le projet de loi de finances. Elle estime que “le développement de la programmation du contrôle par intelligence artificielle (IA) et « data mining » vise à accroître, par un meilleur ciblage, le nombre de fraudes détectées, redressées et recouvrées”.

Un indicateur de pilotage dédié doit notamment être créé pour mesurer la généralisation de ces techniques au sein de la DGFIP. L’administration fiscale espère progressivement augmenter la part des contrôles “ciblés par IA ou data mining”, en passant de 13,85 % en 2018, puis 21,5 % en 2019 à 35 % en 2020.

Article Acteurs Publics du 2 octobre 2019

Article publié le 3 octobre 2019.


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