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Concours de la fonction publique : l’épreuve de culture générale pointée du doigt

Face aux concours externes de la fonction publique, en particulier face à l’épreuve de culture générale, tous les candidats ne se battent pas avec les mêmes armes, argue la chercheuse Dominique Meurs dans une étude de la Fondation Jean Jaurès. Pour y remédier, elle propose notamment de “transformer l’épreuve de culture générale en épreuve sur dossier similaire au concours interne”.

Tous égaux devant les concours de la fonction publique ? Pas vraiment, si l’on en croit l’analyse d’une étude publiée par la Fondation Jean Jaurès. En tout cas s’agissant d’une épreuve en particulier, “caractéristique de la fonction publique française, voire de la culture scolaire française”, celle de la dissertation de culture générale. Professeure à l’Université Paris Nanterre, et directrice exécutive de la Chaire Travail à Paris School of Economics, Dominique Meurs s’est penchée sur les résultats obtenus par les candidats aux concours d’entrée des Institut Régionaux d’Administration (IRA) pour démonter l’idée que le système serait fondé sur la “méritocratie”. Les cinq IRA forment chaque année entre 600 et 800 futurs cadres de catégorie A, principalement à des postes d’attaché d’administration de l’Etat.

“Cela fait longtemps que cette épreuve [de culture générale] suscite des controverses sur la nature des compétences testées et leur neutralité vis-à-vis des connaissances implicites familiales”, relève la chercheuse en introduction. Or, selon elle, “la majorité des concours externes de la fonction publique ont maintenu une épreuve de culture générale à l’écrit, avec une pondération importante dans le total des points pour être admissible à l’oral”.

Pour tenter de mettre le doigt sur cette culture “implicite” qui désavantagerait les candidats issus de l’immigration, Dominique Meurs s’est appuyée sur les données quantitatives venant de deux enquêtes en cours de l’Ined conduites avec la DGAFP auprès des candidats aux concours des IRA en 2007 et 2010.

“Barrière de l’écrit”
“Le concours des IRA est très sélectif, et ce d’autant plus qu’il y a de candidats. En 2007, sur l’ensemble des candidats présents aux épreuves, 39,6% ont été admissibles, en 2010, 23,5%. Les proportions sont similaires chez les enquêtés (respectivement 39,7% et 25,2%)”, note la chercheuse. Or, si l’on regarde de plus près les “catégories d’origine”, il ressort que le groupe des “immigrés et descendants d’immigrés d’Afrique” réussit ”significativement moins bien que les autres”. Ce groupe est principalement composé de candidats de nationalités ou dont les parents sont de nationalités algérienne, marocaine, tunisienne, congolaise et sénégalaise.

En 2007, 28% seulement étaient admissibles contre 41% dans le groupe majoritaire (candidat dont les deux parents sont nés français). En 2010, ils étaient 17%, contre 26%. En revanche, le différentiel s’estompe à l’oral. “La question de la sous-représentation des descendants d’immigrés dans la liste des admis se pose donc à l’écrit, non à l’oral”, en déduit l’étude.

Disparités
Au-delà du constat d’une réussite contrastée selon les catégories d’origines des candidats, la chercheuse s’est demandée si cette contre-performance à l’écrit était liée à l’éducation ou au milieu social et aux “codes implicites” de rédaction. Elle s’est uniquement intéressée aux candidats du concours externe, dans la mesure où le concours interne ne fait pas apparaître de différences de résultats suffisamment significatives.

En passant à la moulinette une diversité d’informations connues sur les caractéristiques individuelles des candidats (âge d’obtention du baccalauréat, préparation ou non au concours, parent dans la fonction publique ou étant cadre…), il apparaît qu’à “caractéristiques observables identiques, y compris en incluant la préparation au concours, des facteurs non observés donneraient en moyenne une meilleure chance au groupe majoritaire” par rapport au groupe des immigrés ou descendants d’immigrés d’Afrique, en tout cas pour ce qui est de l’épreuve de culture générale. Autrement dit, les résultats à l’épreuve de culture générale ne sont pas déterminés par la préparation et l’éducation, contrairement à l’épreuve de questions à réponses courtes (QRC), mais par des connaissances plus ancrées et implicites chez les candidats, sur lesquelles il n’est pas possible de mettre le doigt, faute de données suffisamment complètes.

De l’épreuve écrite à la sélection sur dossier
Dans ce contexte, comment recruter dans la fonction publique “en gardant l’avantage de procédures non discriminatoires tout en sélectionnant les plus motivés et compétents, indépendamment de leur origine familiale ou de toute autre caractéristique”, s‘interroge la chercheuse. Elle propose d’abord de transformer l’épreuve de culture générale en épreuve sur dossier similaire au concours interne, “dont on a vu qu’il n’y avait pas de différences dans les performances selon l’origine”.

Enfin, pour mesurer la neutralité des concours par rapport aux caractéristiques individuelles, il conviendrait “d’enregistrer systématiquement dans les dossiers d’inscription aux concours des informations sur le parcours antérieur des candidats en y incluant les origines des parents”, sans pour autant que les jurys y aient accès. Cette étude est publiée à un moment crucial : une réflexion est engagée à Matignon sur la manière de réformer la haute fonction publique et de renforcer la diversité en son sein.

Article Acteurs Publics du 25 octobre 2019

Article publié le 28 octobre 2019.


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