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Qualité de vie au travail : une démarche gagnant-gagnant pour les mutuelles et les administrations

Les mutuelles se positionnement de plus en plus sur des actions en matière de prévention et de qualité de vie au travail. Dans un secteur ultraconcurrentiel, ces organismes y trouvent leur intérêt, tout comme les administrations, qui peuvent ainsi disposer d’un accompagnement dans la perspective d’une amélioration de la qualité du service public.
Différents baromètres et études en témoignent : beaucoup de chemin reste à faire en matière de prévention et de qualité de vie au travail dans le secteur public. À titre d’exemple, près d’un agent public sur 3 déclare ainsi faire face à au moins 3 « contraintes physiques intenses » dans le cadre de son travail, selon le dernier rapport annuel sur l’état de la fonction publique réalisé par la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP). Un rapport qui souligne également que 44 % environ des agents de la fonction publique déclarent vivre des situations de tension dans leurs rapports avec le public et que près de 29 % d’entre eux disent ne pas ressentir la fierté du travail bien fait. « Les chiffres sont éloquents, plus de la moitié des personnes interrogées lors de notre enquête considère que le travail dégrade leur santé ou la dégradera dans l’avenir », indiquait aussi la Mutualité Fonction publique (MFP) dans une étude intitulée « Indispensables mais fragiles », publiée en 2018.

Dans un contexte de transformation des organisations et des pratiques de travail – la numérisation de celles-ci notamment –, ces données confirment donc, selon les observateurs, l’urgence de porter l’ambition d’une meilleure qualité de vie au travail (QVT) dans la fonction publique et d’engager des démarches et actions structurées en ce sens. Objectif : « combiner qualité des conditions de vie et de travail des agents et qualité du service au public », explique la DGAFP dans un guide de la qualité de vie au travail publié en 2019 et réalisé avec l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact) (lire ci-dessous).

Aspiration sociétale

Le rôle des employeurs publics est bien entendu primordial dans ce domaine. Comme les textes le prévoient, ceux-ci sont en effet tenus de garantir la santé et la sécurité des agents sous leur responsabilité. Ils sont pourtant loin d’être les seuls acteurs à agir en ce sens, plusieurs grandes structures mutualistes ayant développé au cours de ces dernières années des actions dans le domaine de la prévention et de la qualité de vie au travail. Les démarches actuellement initiées par les mutuelles en la matière sont nombreuses et recouvrent un spectre large, tant en termes de type d’actions (sensibilisation, formation, espaces d’accueil ou d’écoute…) que de sujets traités (troubles musculo-squelettiques, risques psycho-sociaux, bien-être au travail…).

« Nos démarches s’inscrivent dans un continuum puisque nous avons glissé progressivement du sujet des troubles musculo-squelettiques (TMS) à la prise de conscience des conduites addictives, puis au sujet central des risques psycho-sociaux (RPS), avant d’appréhender ces risques sous un angle plus positif : la qualité de vie au travail », explique Philippe Mollière, responsable du département « Prévention et action sociale » de la Mutuelle nationale territoriale (MNT). « Nos remontées le prouvent, il y a une attente très forte autour de cette qualité de vie au travail, de ce bien-être au travail, qui est aujourd’hui une très forte aspiration sociétale, d’où les actions que nous développons en la matière », ajoute-t-il.

Même son de cloche du côté du versant hospitalier et de la Mutuelle nationale des hospitaliers (MNH), dont le président, Gérard Vuidepot, estime que la « libération de la parole des agents », au cours des dernières années, est « révélatrice des troubles et des non-dits passés sur lesquels il faut aujourd’hui agir pour renforcer l’intérêt du travail, le sentiment d’implication des agents et valoriser le travail effectué ». « L’enjeu actuel est de faire du lieu de travail un espace de santé pour sa vie personnelle et professionnelle, abonde Éric Chenut, vice-président délégué de la Mutuelle générale de l’éducation nationale (MGEN). La qualité de vie au travail doit permettre de favoriser le développement des agents, en commençant par parler du travail pour l’améliorer. »

Démarche commerciale

Outre l’expertise qu’elles peuvent fournir, les démarches engagées par les mutuelles en matière de prévention et de qualité de vie au travail s’inscrivent bien entendu dans la lignée de leurs prestations de protection sociale complémentaire (PSC). La QVT, souligne-t-on dans le milieu mutualiste, entre de plus en plus en ligne de compte pour édicter les facteurs de risques professionnels et donc anticiper a minima l’évolution du remboursement des prestations de santé.

Plus largement, les mutuelles ont aussi intérêt à agir dans ces domaines « d’un point de vue strictement concurrentiel », estime Luc Pierron, docteur en droit public et élève de la promotion 2020-2021 de l’École nationale d’administration (ENA) : « Cela peut être extrêmement bon pour elles d’avoir une action très innovante en la matière pour se démarquer des autres mutuelles, au-delà du simple remboursement des prestations de santé ou d’indemnités journalières », explique-t-il. « On assiste aujourd’hui à une uniformisation des garanties de protection sociale complémentaire que les mutuelles peuvent offrir, ajoute celui qui fut par le passé conseiller auprès du président de la Mutualité française. Donc, si ces organismes ne peuvent plus se faire concurrence là-dessus, ils ont tout intérêt à se positionner sur des actions en matière de prévention et de qualité de vie au travail, plus concrètes et faciles à proposer aux administrations et aux agents. » Un levier de différenciation dans un contexte ultraconcurrentiel, ce dont les mutuelles ne se cachent pas.

« Nous n’initions pas d’actions au travail uniquement pour nous faire plaisir, affirme ainsi un responsable mutualiste. Nous avons bien entendu la volonté de protéger les forces de travail du secteur public, mais nous avons aussi des organismes à faire tourner et donc la nécessité de récupérer des adhérents. » Allusion notamment aux multiples actions mises en œuvre par les mutuelles en matière de prévention et de qualité de vie au travail, ouvertes généralement à leurs adhérents comme à leur non-adhérents et qui leur sert de vitrine pour vendre leurs prestations santé et prévoyance. Les administrations, par ailleurs en ont aussi pleinement conscience. « Le libéralisme prime, chacun est libre de faire ce qu’il souhaite en matière de prospection », dit ainsi une responsable des ressources humaines au sein de ministères.

Levier de performance pour les administrations

Outre les mutuelles elles-mêmes, les administrations ont également tout intérêt à voir ces organismes mutualistes initier des démarches de prévention et de qualité de vie au travail. « Il y a un alignement des intérêts entre les administrations et leur partie RH d’une part et les mutuelles d’autre part, estime ainsi le spécialiste du secteur Luc Pierron. Chacun peut trouver un intérêt à utiliser l’autre : les mutuelles pour être présentes au sein des administrations et toucher finalement une clientèle plus large et les administrations pour disposer d’une expertise capable de les accompagner dans leurs démarches de qualité de vie au travail. »

« C’est une démarche gagnant-gagnant », confirme une responsable ministérielle en citant des impacts positifs à terme sur la qualité du service public rendu, mais aussi en matière de lutte contre l’absentéisme. Un objectif, sous-jacent à la mise en place d’une démarche de qualité de vie au travail, sur lequel les administrations se gardent bien de s’épancher.
« Il n’y a pas de performance des organisations sans performance sociale et donc sans qualité de vie au travail », ajoute Pascal Bernard, le directeur des ressources humaines des ministères chargés des affaires sociales, qui fait appel aux mutuelles référencées de son périmètre pour l’accompagner dans ses démarches QVT (dernier exemple en date, son « plan vélo »). « Comme dans toutes les organisations, il faut commencer à prendre soin de soi-même avant de prendre soin de ses clients ou, pour le secteur public, des usagers », poursuit-il.

Association à renforcer, dialogue social à préserver

Malgré la mise en place de partenariats entre certaines administrations et mutuelles – dans l’éducation nationale notamment –, les organismes mutualistes regrettent de ne pas être toujours formellement associés à la conception et à la mise en œuvre des dispositifs les plus structurants de gestion des ressources humaines, notamment en matière de santé et de qualité de vie au travail. Un constat qui avait été pointé du doigt par la mission interinspections sur la protection sociale complémentaire dans la synthèse de ses travaux présentée aux partenaires sociaux en juin 2019. Son rapport complet, quant à lui, n’a toujours pas été rendu public.

« L’expertise des mutuelles et leur connaissance des problématiques mériteraient d’être mieux utilisées par les administrations et encore plus dans l’avenir, compte tenu de l’enjeu de l’employabilité des personnels, mais aussi des problématiques soulevées par la crise sanitaire, à cause notamment du télétravail contraint mis en place à cette occasion », souligne en ce sens Serge Brichet, président de la Mutualité fonction publique (MFP), la fédération de mutuelles de la fonction publique. Directrice « prévention santé » à la mutuelle Intériale, Marie-Pierre Janvrin soulève de son côté une problématique culturelle et la difficulté pour certains décideurs, « encore », de « prendre conscience de l’importance de s’accorder du temps pour prendre soin de leurs agents ». « Et quand les administrations engagent des démarches, leurs services RH doivent être davantage à nos côtés pour initier des actions sur le long terme et non des démarches ponctuelles, pour lesquelles le retour sur investissement est moins important », ajoute-t-elle.

Reste une partie prenante non négligeable en matière de qualité de vie au travail dans la fonction publique : les organisations syndicales. Organisations que certains considèrent comme un frein au développement des actions des mutuelles au sein des administrations. « À tort ou à raison, certains représentants du personnel considèrent que les sujets de la santé, de la sécurité et de la qualité de vie au travail relèvent de la responsabilité des employeurs et que l’action des mutuelles en la matière les en dédouaneraient », explique un observateur du secteur public.

« L’action des mutuelles peut être utile, mais nous préférons que les employeurs publics remplissent déjà mieux leur rôle », souligne Luc Farré, de l’Unsa Fonction publique. « La qualité de vie au travail n’est pas un sujet des mutuelles, mais bien des travailleurs et de leurs représentants, d’où l’importance d’avoir un vrai dialogue social sur le type d’actions mises en œuvre », estime Mylène Jacquot de la CFDT Fonctions publiques. « Que les employeurs sous-traitent un peu, pourquoi pas, il vaut mieux que ce soit traité par quelqu’un que pas du tout », tempère-t-elle néanmoins. Mais hors de question pour autant de laisser les clés du camion aux mutuelles.

Article Acteurs Publics du 2 novembre 2020

Article publié le 3 novembre 2020.


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