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Céline Verzeletti (CGT) : “Les principes constitutifs du statut des fonctionnaires doivent être réaffirmés, consolidés et améliorés”

Acteurs publics a interrogé les responsables syndicaux du secteur public sur leurs attentes, mais aussi sur leurs inquiétudes quant à la nouvelle grande réforme de la fonction publique annoncée par l’exécutif. Échange aujourd’hui avec Céline Verzeletti, cosecrétaire générale de l’Union fédérale des syndicats de l’État (UFSE-CGT).

Quelles sont vos attentes s’agissant du futur projet de loi de réforme de la fonction publique ?
À plusieurs reprises, le ministre en charge de la Fonction publique, Stanislas Guerini, a exprimé sa volonté d’élaborer un projet de loi d’ici quelques mois. Sans que, à ce stade, l’ensemble des éléments qui pourraient y figurer ne soient clarifiés, le ministre a évoqué la protection des fonctionnaires, l’assouplissement des promotions, le fait de prendre plus fortement en compte le mérite dans la rémunération… Ce futur texte législatif ne nous semble pas correspondre aux enjeux posés et, sur certains aspects, suscite d’importants désaccords. Nous considérons que d’autres priorités doivent être dégagées et traitées pour réellement améliorer la situation des agentes et des agents. Nous le lui avons déjà signifié : nous sommes défavorables à un projet qui s’inscrirait dans le prolongement de la philosophie de la loi de transformation de la fonction publique [votée en 2019, ndlr], avec en particulier un accent mis sur l’individualisation des rémunérations et le développement de leur part aléatoire et discrétionnaire sous couvert de reconnaissance du “mérite” individuel et collectif. Nous pensons, au contraire, que les principes constitutifs du statut général des fonctionnaires – indépendance, responsabilité et égalité – doivent être réaffirmés, consolidés et améliorés.

Quelles sont donc vos revendications ?
Nous proposons de mettre en place des négociations annuelles sur les salaires pour des revalorisations régulières, de les prévoir avant les discussions budgétaires au Parlement. A minima, nous souhaitons un mécanisme de revalorisation du point d’indice quand l’inflation est supérieure à un certain niveau sur douze mois. Nous souhaitons aussi l’indexation des pensions sur celles des salaires moyens. Il faut également revaloriser toutes les grilles de rémunération, en veillant particulièrement aux filières à prédominance féminine, prendre en compte les indemnités dans le calcul des retraites ou encore restreindre les possibilités statutaires de recourir au non-titulariat. Nous souhaitons aussi un plan de titularisation pour les besoins permanents. Nous voulons la garantie de l’emploi et une limitation au strict minimum des recrutements sans concours. Le jour de carence doit également être abrogé. Il faut également élargir et renouveler les compétences des organismes consultatifs (comités sociaux, commissions administratives paritaires, comités d’hygiène et de sécurité…), introduire de nouvelles prérogatives pour les représentant(e)s des personnels : par exemple, en cas de vote contre un texte, celui-ci doit faire l’objet d’une concertation et ne peut pas repasser dans les mêmes termes lors de la seconde délibération. La proportionnalité des retenues de grève avec la durée de la cessation de travail doit en outre être réintroduite ce qui, en conséquence, implique l’abrogation du trentième indivisible…

Aucune organisation syndicale n’a émis le souhait d’une loi “fonction publique”.

Comment, selon vous, rendre la fonction publique plus attractive ?
Pour rendre plus attractive la fonction publique, il est urgent de reconnaître les qualifications des agent(e)s à leur juste valeur en augmentant immédiatement toutes les rémunérations et en travaillant aussi sur les déroulés des carrières. Le contenu des missions doit aussi être traité et revalorisé, et l’exercice des missions rendu possible dans de bonnes conditions. Cela exige donc de revoir tous les effectifs et les organigrammes au regard des besoins des usagers et usagères et des nouvelles exigences, comme celles liées à la qualité environnementale. La démocratisation de l’accès à la fonction publique doit être effective et doit être pensée au travers des parcours scolaires et universitaires. Le fonctionnaire doit aussi acquérir de nouvelles garanties pour être un fonctionnaire “citoyen” et non un fonctionnaire “sujet”, silencieux, qui sert et se tait. Dans ce souci de plus de démocratie, il est aussi important d’associer les usagers et usagères à des décisions concernant les missions de la fonction publique.

Au travers de sa nouvelle réforme, le gouvernement compte notamment “valoriser l’engagement des agents publics” en développant la rémunération dite au mérite dans la fonction publique. La rémunération au mérite peut-elle redonner du sens à la mission des agents ? Cette logique devrait-elle, selon vous, être individuelle ou collective ?
À la CGT, nous sommes défavorables à la rémunération au mérite. Pour nous, la rémunération doit être liée au niveau de la qualification, à l’expérience et l’ancienneté et à certaines sujétions et contraintes, comme le travail de nuit, des horaires décalés ou une pénibilité particulière. La notion de mérite est trop subjective et permet de graves inégalités, voire des discriminations. Elle ne permet pas de redonner du sens aux missions.

En 2019, tous les syndicats avaient pointé un manque de dialogue sur la loi de transformation. À quelles conditions jugeriez-vous cette fois la méthode satisfaisante ?
Pour l’instant, nous estimons que le dialogue n’est pas satisfaisant. Nous apprenons au fur et à mesure le contenu du projet “Guerini”, par voie de presse. Aucune organisation syndicale n’a émis le souhait d’une loi “fonction publique”. Par contre et de manière unitaire, nous avons multiplié les demandes de revalorisations salariales urgentes, demandes restées sans réponse concrète de la part du ministre. À la CGT, nous pensons que l‘urgence salariale doit se régler par une revalorisation immédiate du point d’indice de 10 % minimum, puis par l’ouverture de négociations sur les grilles et les déroulés de carrière. Concernant l’indexation des rémunérations sur le coût de la vie, nous pensons qu’un simple décret suffirait et que sur l’attractivité, des concertations sur les conditions de travail et sur les besoins en effectifs pourraient aussi répondre aux besoins les plus urgents. Sur la protection des agent(e)s, des concertations seraient aussi souhaitables, car un état des lieux est indispensable avant de faire de nouvelles propositions. En résumé, Stanislas Guerini doit prendre en compte ce que lui demandent en urgence les organisations. S’il reste “collé” à ses premières propositions, sans les modifier malgré les réunions et les concertations, alors la méthode ne pourra pas être considérée comme efficace et constructive.

Propos recueillis par Bastien Scordia

Article Acteur Publics du 8 janvier 2024

Article publié le 10 janvier 2024.


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