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Camaïeu à nouveau dans la tourmente

Ce lundi, le tribunal de commerce de Lille se prononcera sur le sort de l’enseigne. Les syndicats pointent du doigt des erreurs stratégiques de la direction.

Pour l’enseigne de prêt-à-porter Camaïeu, les jours passent et l’histoire se répète. La semaine dernière, les 2 600 salariés de l’entreprise ont vu leurs craintes se confirmer : leur société, sous la houlette de son actionnaire principal, l’homme d’affaires Michel Ohayon à la tête de la Financière immobilière bordelaise, s’est déclarée en cessation de paiements et a demandé son placement judiciaire devant le tribunal de commerce de Lille. Un goût de déjà-vu pour les employés, dont l’entreprise était déjà passée devant les tribunaux en 2020, au sortir du premier confinement.

Côté syndicat, on accuse le coup, mais la surprise est minime.« Cela fait des mois que nous dénonçons la stratégie de la direction concernant le paiement des loyers commerciaux »,indique Thierry Siwik, délégué syndical national CGT. Fragilisée par la fermeture administrative de ses magasins due à la pandémie de Covid, la direction avait informé début 2021 ses bailleurs que les loyers ne seraient pas payés. Plus d’un an plus tard, une dette abyssale s’est accumulée, forçant l’enseigne à se déclarer en cessation de paiements. La Cour de cassation, qui jugeait le 30 juin que les loyers étaient dus aux bailleurs malgré les difficultés de Camaïeu, a douché les espoirs des dirigeants de la marque.« Cette stratégie n’était pas du tout adaptée, il aurait mieux valu négocier avec les bailleurs »,poursuit le cégétiste.

Si le Covid – ainsi qu’une cyberattaque survenue en juin 2021 qui a paralysé la logistique du groupe et son site Internet – est effectivement la source principale des difficultés de l’enseigne, le nouvel actionnaire n’est pas tout blanc dans le destin de sa marque, à en croire les représentants des salariés.« Camaïeu n’allait pas bien mais Michel Ohayon a continué d’acquérir de nouvelles marques »,regrette Thierry Siwik. Depuis le rachat Camaïeu, la Financière immobilière bordelaise a en effet ajouté à son univers de commerce de détail les boutiques françaises des marques Gap, Go Sport ainsi que certaines Galeries Lafayette situées en dehors d’Île-de-France sous la forme de franchises.

Si la surprise n’est pas au rendez-vous, la déception est toutefois grande. En 2020, tandis que l’entreprise roubaisienne à bout de souffle cherchait un repreneur, et que le propriétaire d’alors, Joannes Soënen, candidatait à la reprise de sa propre société, les syndicats de l’entreprise avaient soutenu le projet de Michel Ohayon.« On s’était collectivement positionnés sur cet actionnaire parce qu’il reprenait beaucoup plus de magasins et actait le licenciement de moitié moins de salariés »,rappelle Thierry Siwik. Avec tous les voyants financiers dans le rouge, le départ de 450 travailleurs de l’enseigne paraissait alors comme le compromis le plus acceptable (et la reprise de 511 sur 634 magasins en France), tandis que l’autre offre proposait de se débarrasser de plus de 150 salariés de plus.

Personne n’a oublié l’anxiété de voir son magasin baisser définitivement le rideau

Si tout semblait bien se passer les premiers mois, en 2020, le vent semble avoir vite tourné, à en croire les syndicats. Et le sort de l’enseigne et des salariés se retrouve une fois de plus entre les mains du tribunal de commerce. Ce lundi, ce dernier se prononcera sur le placement en redressement judiciaire avec plan de continuation de l’enseigne, telle qu’elle l’a demandé. Pour la CGT, c’est aujourd’hui le meilleur scénario.« Il faudra que l’on présente un plan de refinancement, mais nous sommes une société comprise dans un groupe, nous avons un actionnaire, c’est possible »,veut y croire le représentant syndical.

Toutefois, beaucoup d’autres semblent sur le point de baisser les bras. Dans les rayons de l’enseigne, personne n’a oublié l’anxiété de voir son magasin baisser définitivement le rideau ou voir son emploi supprimé. À Millau, dans l’Aveyron, l’élue CFDT au comité social et économique, Sandra Sarrouy, oscille entre colère et résignation.« Vivre deux redressements judiciaires si rapprochés en trente ans de boîte, c’est éprouvant »,souffle-t-elle, désolée.« On se doute que ce sont encore les magasins qui vont payer, que ce sont eux qui vont fermer. On est les parents pauvres de Camaïeu, alors que depuis deux ans les équipes ont tout fait pour sauver leur emploi et leur enseigne. Nous sommes exaspérés »,poursuit-elle. Du côté de la CGT, les craintes sont partagées : le souvenir du plan social est encore vif dans l’esprit de Thierry Siwik, qui regrette :« Quoi qu’il y arrive, on sait qu’il y aura de la casse. »

Quel que soit le sort de Camaïeu, ses difficultés témoignent à nouveau de la chute de tout le secteur du prêt-à-porter et de ses salariés, qui ont payé un lourd tribut depuis le début de la crise sanitaire. En juin, l’enseigne Pimkie était mise en vente par le groupe Mulliez. Quant aux plans de licenciements dans le secteur, la liste est déjà longue : Kidiliz, Printemps ou encore Celio…

Article L’Humanité du 1er août 2022

Article publié le 1er août 2022.


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