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Fonction publique : Macron 1 – Fonctionnaires 0

Au cours de son quinquennat, Macron a réussi à détruire l’un des joyaux de notre pays : le service public. Que ce soit dans la justice, la police, la santé ou l’enseignement, les seuls mots que l’on entend, c’est : baisse du niveau des jeunes recrues, surcharge de travail, perte de sens, souffrances, et suicides.
Rien. En échange de leur dévouement durant la pandémie, les fonctionnaires n’auront rien. Pas même un maintien de leur niveau de vie. L’an prochain, comme cette année, ce que l’on appelle dans le jargon de la fonction publique le « point d’indice » sera gelé. Le « traitement » des fonctionnaires – les agents de la fonction publique ne sont pas salariés – sera égal à cette année. Chaque année qui passe, le niveau de vie des infirmières, des juges, des policiers et des enseignants diminue.

Pour Amélie de Montchalin, ministre de la destruction de la fonction publique, « les conditions n’étaient pas réunies ». Pour elle, maintenir le niveau de vie des agents publics était « une solution de facilité ». Et de frimer avec ses mesures « ciblées », comme la revalorisation accordée en juillet à 1,2 million d’agents les moins bien payés, ceux de la catégorie C, en effet dans la misère.

Mais Amélie fait semblant de ne pas voir que la faiblesse des traitements mine, depuis longtemps, déjà, la colonne vertébrale de notre société qu’est la fonction publique.

En Ile-de-France, des policiers sous-qualifiés et en surpoids

« Il y a encore cinq ou six ans, on n’aurait pas pris en dessous de 9/20, depuis deux ans on descend à 7 ou 8/20. 12 c’est déjà très moyen, alors 7… C’est du niveau collège. »  ; « Sur l’orthographe, ça concerne deux ou trois candidats sur une classe de 35, mais quelquefois on est à la limite de la phonétique ». De quoi s’agit-il  ? De témoignages de formateurs de policiers en Ile-de-France, atterrés par l’effondrement du niveau des jeunes recrues.

Autre témoignage : « Une part des stagiaires ne sait pas s’exprimer clairement. Ils perdent facilement leurs moyens et deviennent agressifs dans une discussion car ils n’ont pas le langage suffisant pour argumenter. » Même du côté physique, ça pèche : « certains ont des performances en deçà de la moyenne d’un ado en classe de 6ème (…) On a de plus en plus de stagiaires en surpoids. Et quand on aborde les exercices de maîtrise d’un individu lors d’une interpellation, certains se mettent en danger par manque d’entraînement physique. Des contrôles peuvent déraper à cause de ça. »

Certes, l’augmentation de l’obésité, ce n’est pas la faute d’Amélie. Mais ces difficultés de recrutement seraient atténuées si la profession de policier était attractive. Comme le dit un commissaire francilien : « De toute façon, on ne paye pas bien et on a une mauvaise image, qui voulez-vous attirer dans ces conditions  ? »

Où sont les profs  ?

Du côté des profs, inutile d’insister : l’effondrement du nombre de candidats aux concours est archi-connue. Or s’il y a moins de candidats, inévitablement, le niveau des recrues baisse. Il est maintenant courant d’avoir des classes sans professeur de mathématiques ou de français durant des mois entiers, au point qu’une fédération de parents d’élèves, la FCPE, a créé son site Internet Ouyapacours, pour « déclarer le non-remplacement d’un ou plusieurs enseignants », afin de « revendiquer postes et remplacements pérennes au sein de l’Éducation nationale ».

Et l’Éducation nationale fait face à un problème inédit : les jeunes stagiaires, celles et ceux qui ont réussi le Capes ou l’agrégation et commencent à enseigner, sont nombreux à jeter la craie avant la fin de leur première année sur le terrain. Les griefs sont connus : salaire de misère  ; éloignement de leur région d’origine  ; difficultés avec les élèves  ; bureaucratie  ; hiérarchie rigide… Et, du côté des quadragénaires, les démissions sont aussi orientées à la hausse : fatigue, absence de perspective de carrière ou salariale, problèmes de santé, etc.

Bon, je ne vais pas vous faire le tour de tous les métiers en souffrance de la fonction publique, auxquels seuls les crânes d’œufs surpayés de Bercy, qui suppriment des emplois d’enseignants ou d’infirmiers sans sourciller, semblent échapper, et encore ce n’est même pas sûr.

« Notre rentrée a commencé devant l’église Saint-Michel de Lille, lundi 30 août. Nous enterrions Charlotte, notre jeune collègue de 29 ans, qui s’est suicidée le 23 août. (…) Charlotte refusait de travailler de façon dégradée. À plusieurs reprises, au cours de l’année qui a précédé son décès, Charlotte a alerté ses collègues sur la souffrance que lui causait son travail. Comme beaucoup, elle a travaillé durant presque tous ses week-ends et ses vacances, mais cela n’a pas suffi. » Voici comment commence la tribune signée par 3 000 juges. Pour la première fois depuis très longtemps, magistrats, avocats et greffiers se sont rassemblés devant les tribunaux mercredi 15 décembre au cours d’une « mobilisation générale pour la justice ». A Paris, le point de rendez-vous devant Bercy se voulait encore plus symboliques pour réclamer plus de moyens dans la balance. Audiences surchargées, arrêts maladie qui se multiplient parmi le personnel, obligation de traiter des affaires de divorce en quinze minutes sans pouvoir donner la parole aux parties, c’est vraiment la fête dans les prétoires, lieux très sympas où le fait d’être traité humainement est très secondaire, comme le savent tous ceux qui ont eu la chance de divorcer, ou d’être victime d’un conjoint violent.

Comme ils l’expliquent, les juges en sont à « juger vite, mais mal ». Il faudrait en effet doubler le nombre de magistrats et de greffiers pour que notre pays soit dans la moyenne européenne. Pour les magistrats, peu habitués à protester publiquement – tout comme les directeurs de service des hôpitaux qui avaient annoncé la démission de leurs fonctions administratives – la discordance entre leur éthique et leur quotidien « crée une grande souffrance ». Comme les enseignants, policiers ou soignants, ils dénoncent « la violence de leur institution ».

La question est donc de savoir combien de suicides il faudra pour que ce pays prenne conscience de l’effondrement de sa fonction publique, colonne vertébrale de la société. Car, que ce soit Emmanuel Macron ou Valérie Pécresse qui soit élu, le massacre des policiers, juges, infirmières et autres enseignants n’est pas près de s’arrêter. Dites, les gens qui votent pour Manu et Valérie, vous êtes sûrs de vouloir vivre dans un pays où les profs de vos enfants seront absents, où vous serez interpellé dans la rue par des policiers peu éduqués et violents, où vous poireauterez des heures aux urgences faute de médecins, et où des décisions cruciales pour votre vie seront prises en quelques minutes par des juges au bord du suicide  ?

Article Charlie Hebdo Web du 15 décembre 2021

Article publié le 16 décembre 2021.


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