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La promesse de supprimer 150 000 postes est-elle tenable  ?

Dans une note publiée mi-janvier, le think tank Terra Nova estime «  douteux que Valérie Pécresse parvienne à mener à bien son projet  »

Supprimer 150 000 postes de fonctionnaire sur un quinquennat, est-ce possible  ? La promesse de Valérie Pécresse, candidate Les Républicains (LR) à la présidentielle, suscite de nombreuses questions. Dans une note publiée le 14 janvier, le cercle de réflexion de gauche Terra Nova estime qu’«  il est douteux que Valérie Pécresse parvienne à mener à bien son projet. Il est même douteux qu’il faille le mener à bien  ».

Une étude de l’association Finances publiques et économie (Fipeco) publiée par Le Figaro le 19 janvier, montre que, depuis 1997, aucun président de la République n’a réussi à tailler dans les effectifs. Nicolas Sarkozy (2007-2012) est dans une situation cependant particulière  : il a fait baisser le nombre d’agents de l’Etat (144 000 selon la Cour des comptes), mais Fipeco, qui donne un chiffre différent, assure que les créations de postes dans les collectivités locales et l’hôpital ont abouti à un solde net de 17 000 postes en plus.

Les effectifs ont augmenté de 1 million de personnes depuis 1997, pour atteindre aujourd’hui 5,7 millions d’agents publics, écrit François Ecalle, président de Fipeco. La hausse est de 22 %, contre 15 % pour l’emploi total (public et privé). Ce qui situerait la France dans le peloton de tête européen. Pour Terra Nova, cependant, «  l’emploi public n’est pas dans une croissance incontrôlée  »  : la progression dans les administrations publiques n’est que de 0,4 % entre 2009 et 2019.

«  Pas de sureffectifs  »

L’objectif de Valérie Pécresse est «  une suppression de 200 000 postes dans l’administration administrante de l’Etat et des collectivités locales  », et la création de «  50 000 postes  » sur les missions prioritaires de l’administration  : «  Protéger, éduquer et soigner.  » Elle en attend 15 milliards d’économie sur les 45 promis en tout.

«  L’administration administrante  », c’est 33 % des effectifs en France, contre 25 % en Allemagne, assure David Lisnard, président LR de l’Association des maires de France. Cet écart de 8 points représente 450 000 agents, affirme-t-il. «  Cela repose sur l’hypothèse qu’on a une administration administrante inefficace et pléthorique, nuance François-Xavier Devetter, économiste à l’université de Lille. Ces fonctionnaires passeraient leur temps à jouer à Candy Crush toute la journée au bureau… Mais ce n’est pas le cas. Les comparaisons internationales ne montrent pas de sureffectifs dans la fonction publique de notre pays par rapport à ses voisins.  »

«  Un comité de la hache  »

Terra Nova rappelle que les administrations centrales et les directions d’établissements publics représentent 7,3 % de l’effectif, soit 161 000 personnes. Avec les rectorats, les préfectures et l’administration territoriale de l’Etat, on arrive à 310 000 emplois environ. La promesse de Mme Pécresse reviendrait donc à en «  amputer les deux tiers et d’escompter un choc de productivité de 200 % en cinq ans  ». Or, indique Romain Beaucher, coauteur de L’Etat qu’il nous faut (Berger-Levrault, 2021), «  les directions centrales sont déjà à l’os et la qualité s’en ressent. Alors qu’avec le changement climatique on aura besoin de davantage de planification  ».

Mais Valérie Pécresse estime que, grâce à «  un comité de la hache  », il est possible de fermer «  500 des 1 500 structures para-étatiques  ». Elle promet également de supprimer les doublons entre l’Etat et les collectivités locales. Elle mise en outre sur la dématérialisation des démarches administratives et la mise en œuvre effective des 35 heures dans les collectivités, comme la loi sur la fonction publique de 2019 l’impose dorénavant.

L’équipe de Mme Pécresse promet qu’il n’y aura pas de licenciements, mais le non-remplacement d’un départ à la retraite sur trois. Cela sera-t-il suffisant  ? Terra Nova note que, pour réaliser 200 000 suppressions de poste sur un quinquennat, il faut 40 000 départs par an. Dans la seule fonction publique d’Etat, on y est, mais cela englobe des agents de terrain comme les ­enseignants, et pas seulement des postes de bureau.

Bref, conclut le laboratoire d’idées, «  brandir des objectifs chiffrés de suppression de postes n’est sans doute pas la bonne méthode  ». Et «  on ferait mieux de se demander ce qui est attendu de la fonction publique, et comment la rendre plus efficace et alignée avec les défis qui s’ouvrent à nous  ». Il faudrait réfléchir aux missions avant de s’intéresser aux effectifs. «  Les suppressions décidées par les présidents précédents montrent que l’on n’obtient pas d’économies car on raisonne à missions constantes, rappelle Emilien Ruiz, historien à Sciences Po et auteur de Trop de fonctionnaires  ? (Fayard, 2021). La question à se poser, c’est  : qu’attend-on de l’Etat  ? Et, si on veut faire des économies, sur quelles missions on revient  ? Bref, ce n’est pas une question comptable. C’est une question politique, car cela relève de la répartition de l’impôt.  »

Article Le Monde du 26 janvier 2022

Article publié le 27 janvier 2022.


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