vous êtes ici : accueil > Divers

Vos outils
  • Diminuer la taille du texte
  • Agmenter la taille du texte
  • Envoyer le lien à un ami
  • Imprimer le texte

Le Sénat vote un service minimum et la réquisition d’agents grévistes dans les transports publics

À majorité de droite, le Sénat a adopté, mardi 4 février, une proposition de loi destinée à “assurer l’effectivité du droit au transport en cas de grève”. Le texte confie aux autorités organisatrices de définir un niveau “minimal” de service “correspondant à la couverture des besoins essentiels de la population”. Il prévoit aussi la possibilité pour ces autorités d’enjoindre aux entreprises de transport de réquisitionner les salariés grévistes pour assurer ce service minimum.
Une proposition de loi “tendant à assurer l’effectivité du droit au transport, à améliorer les droits des usagers et à répondre aux besoins essentiels du pays en cas de grève”. Tel est l’intitulé du texte qui a été adopté, mardi 4 février, par le Sénat, à majorité de droite. Cette proposition de loi avait été déposée par le chef de file des sénateurs LR, Bruno Retailleau, le 2 décembre dernier, soit quelques jours avant le début du mouvement de grève à la SNCF et à la RATP, d’une ampleur inédite, contre la réforme des retraites.

“Cette proposition de loi a pour but de construire un nouveau droit, celui d’accéder à un service minimum garanti, c’est-à-dire effectif dans les transports publics, a souligné en séance Bruno Retailleau. En cas de grève, nos compatriotes exaspérés sont pris en otages de conflits sociaux durs, alors qu’ils sont dépendants des transports publics. Cette proposition de loi veut donc donner du corps au principe souvent invoqué et trop peu souvent appliqué de continuité des services publics.”

Loi de 2007 insuffisante

Certes, la loi d’août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs “a constitué un progrès”, indique la proposition de loi. Mais elle “n’a pas atteint l’objectif d’assurer, en toutes circonstances, la continuité du service public”.

Pour rappel, cette loi entendait favoriser le dialogue social et permettre une meilleure organisation des services de transports publics en cas de grève. Elle prévoyait notamment l’obligation pour les salariés d’indiquer 48 heures à l’avance leur intention de faire grève. La mise en œuvre d’un service minimum aux heures de pointe était laissée aux accords entre syndicats et autorités organisatrices de transports.

“Cette première étape de négociation est indispensable, elle doit demeurer, précise la proposition de loi des sénateurs. En revanche, lorsqu’elle s’avère inopérante, un dispositif complémentaire doit permettre d’assurer la continuité du service public de transport”. D’où les dispositions de la proposition de texte du Sénat, qui entend “rendre obligatoire le fonctionnement partiel” des transports publics les jours de grève.

Niveau minimal de service

Première mesure phare de la proposition de loi adoptée par le Palais du Luxembourg : la définition d’un véritable niveau minimum de service dans les transports en cas de grève. Le texte prévoit ainsi que l’autorité organisatrice de transport (le plus souvent les collectivités territoriales ou leurs groupements) “définit un niveau minimal de service correspondant, compte tenu des autres moyens de transport existant sur le territoire, à la couverture des besoins essentiels de la population et fixe les fréquences et plages horaires correspondant à ce niveau de service”.

Ce niveau, ajoute la proposition de loi, “est celui qui permet d’éviter que soit portée une atteinte disproportionnée à la liberté d’aller et venir, à la liberté d’accès aux services publics, à la liberté du travail, à la liberté du commerce et de l’industrie et à l’organisation des transports scolaires ainsi que de garantir l’accès au service public de l’enseignement les jours d’examens nationaux”. Il doit aussi prendre en compte “les besoins particuliers des personnes à mobilité réduite”.

Une rédaction différente de celle de la proposition de loi initiale, qui prévoyait que le service minimal corresponde “au minimum à un tiers, arrondi à l’entier supérieur, des voyages assurés en services normal”. Un seuil supprimé lors de l’examen du texte en commission des affaires sociales. Sur proposition de sa rapporteure (la sénatrice LR Pascale Gruny), cette commission avait en effet adopté un amendement pour confier aux autorités organisatrices la responsabilité de définir le niveau minimal de service, au nom notamment du principe de subsidiarité ayant guidé la décentralisation.

Faculté de réquisition des personnels grévistes

Pour garantir ce service minimal, la proposition de loi permet aussi de réquisitionner les personnels grévistes. Ainsi, lorsqu’en cas de mouvement de grève, le nombre de personnels disponibles “n’a pas permis, pendant une durée de trois jours consécutifs, d’assurer le niveau minimal de service correspondant à la couverture des besoins essentiels à la population”, l’autorité organisatrice de transport pourra enjoindre à l’entreprise de transports de “requérir les personnels indispensables pour assurer ce niveau de service”.

L’entreprise de transports sera tenue de se conformer à l’injonction de l’autorité organisatrice de transports “dans un délai de 24 heures”, est-il précisé dans la proposition de loi. Les personnels requis seront informés de leur réquisition “au plus tard” 24 heures “avant l’heure à laquelle ils sont tenus de se trouver à leur poste”. Si ces personnels ne se conforment pas à l’ordre de leurs employeurs, ces salariés seront passibles d’une sanction disciplinaire.

Rédaction “fragile”, selon le gouvernement

Représenté par le secrétaire d’État chargé des Transports, Jean-Baptiste Djebbari, le gouvernement a dit partager “l’objectif du texte” des sénateurs, mais il s’est aussi déclaré “profondément attaché au droit de grève”. Lors de l’examen de chaque amendement de suppression de dispositions de la proposition de loi, celui-ci s’en est notamment remis à la “sagesse” du Sénat.

Certes, les limites du dispositif prévu par la loi de 2007 “sont clairement apparues ces derniers mois”, a expliqué le secrétaire d’État. “Mais pour aller plus loin, une analyse juridique approfondie est nécessaire : il s’agit de concilier plusieurs objectifs de niveau constitutionnel”, a-t-il précisé.

“La rédaction est fragile, de nombreux points pourraient être censurés, a ajouté Jean-Baptiste Djebbari. Il faut aussi prendre le temps de la concertation sociale, or le contexte requiert plutôt l’apaisement.” Et d’ajouter que sur de “tels sujets qui touchent aux libertés fondamentales”, “il faut légiférer la main tremblante”.

“Puisqu’il faut sécuriser le dispositif avant de l’inscrire dans le droit”, le secrétaire d’État a proposé de confier une mission “à un juriste éminent”, “qui devra rendre ses conclusions sous deux mois, sur le service minimum garanti, les préavis illimités et les grèves de moins d’une heure”. “Cela permettra de travailler sur un dispositif conforme à la Constitution”, a souligné Jean-Baptiste Djebbari. Et aussi de poursuivre le débat parlementaire sur cette proposition de loi, désormais transmise à l’Assemblée nationale, mais non encore inscrite à son ordre du jour.

Article Acteurs Publics du 5 février 2020

Article publié le 5 février 2020.


Politique de confidentialité. Site réalisé en interne et propulsé par SPIP.