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Les effets économiques du télétravail encore largement discutés

Certaines études montrent que les entreprises qui recourent au télétravail voient leurs gains de productivité grimper.Mais d’autres anticipent que la généralisation du travail à domicile créera des problèmes.

Les économistes ne tranchent pas encore.

Cela reste l’une des grandes questions économiques des prochaines années. La généralisation du télétravail dans de nombreuses entreprises va-t-elle entraîner une hausse des gains de productivité ? Le temps économisé dans les transports, l’amplitude horaire plus grande des journées de travail, tout cela pourrait bien être bénéfique à l’économie. D’ailleurs, dans une note diffusée ce mercredi, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) estime que le nombre d’annonces d’emplois proposées avec du télétravail depuis le début de la pandémie a triplé dans les pays développés.

Lors d’un colloque organisé mi-décembre par l’OCDE, plusieurs études ont été présentées sur les conséquences économiques du travail à domicile. Ainsi, Gilbert Cette, professeur d’économie à la Neoma Business School, a étudié le comportement de 1.400 entreprises industrielles de plus de 20 salariés en 2020, présentes en France.

Des gains de productivité très optimistes

Les entreprises qui utilisent le plus le télétravail sont celles qui disposent du nombre de mètres carrés le plus faible par salarié, des moyens informatiques les plus élevés et des actifs incorporels les plus importants. En moyenne, conclut-il, une hausse de 1 % du nombre de télétravailleurs entraînerait une progression de la productivité de l’ordre de 0,45 %.

Un chiffre loin d’être négligeable. Si l’utilisation du télétravail passe de 5 % des salariés - comme c’était le cas en 2019 -, à 25 % de deux à trois jours par semaine, ce qui semble être la volonté de nombre d’entreprises aujourd’hui, alors, selon les travaux de Gilbert Cette, la productivité ferait un bond de 9 %. Avec un bémol, les gains de productivité ne sont pas linéaires mais suivent plutôt un U inversé. Ils sont donc appelés à décroître à partir du moment où une partie importante des salariés travaillent à domicile. On pourrait dire que trop de télétravail tue alors la productivité.

Reste que, selon cette vision optimiste, la « stagnation séculaire », cette théorie de l’Américain Robert Gordon, qui prévoit une croissance très faible à l’avenir, serait invalidée. D’autant que l’étude de Gilbert Cette s’accompagne d’un autre résultat intéressant. Plus une entreprise a augmenté le recours au télétravail en 2020, plus elle compte y recourir à l’avenir, et plus elle compte investir. Ce qui, en retour, devrait nourrir les gains de productivité.

Mais pour d’autres économistes de l’OCDE qui ont étudié des entreprises de 25 pays, « l’impact est a priori ambigu. Tout dépend de la satisfaction des salariés ». Il existe en effet une corrélation entre le bien-être ressenti par les salariés en télétravail et la performance de l’entreprise, telle qu’évaluée par les cadres. D’ailleurs, la raison principale avancée par les managers en faveur du travail à domicile est la productivité des salariés et le fait que ceux-ci travaillent plus quand ils sont chez eux.

Il y a tout de même des problèmes à terme dont les managers sont visiblement très conscients. D’abord, la formation et l’apprentissage de nouvelles techniques sont rendus très difficiles par le télétravail. Ensuite, les cadres ressentent le risque de « désaffiliation » des salariés avec l’entreprise. Le danger d’un délitement du collectif de travail est réel. D’autant que les managers sentent bien que le travail en équipe est de plus en plus difficile avec la généralisation du télétravail, quand celui-ci atteint deux à trois jours par semaine et encore plus au-delà, montrent les économistes de l’OCDE.

Des effets de réallocation majeurs

Il y a d’autres effets qui seront compliqués à gérer. Les économistes de la Banque de France montrent que, en moyenne, les zones les plus touchées par le passage au télétravail d’une partie des salariés devraient voir le prix de l’immobilier de bureau baisser de l’ordre de 4 % de façon permanente. « Le télétravail aura des effets de réallocation majeurs », estime ainsi John Fernald, professeur à l’INSEAD. Qu’il s’agisse de l’immobilier ou des commerces, certains quartiers vont devoir changer, ce qui aura un coût économique.

De plus, les difficultés à intégrer les nouvelles recrues dans l’entreprise, à faire coopérer les salariés et partager des idées, tout cela rend John Fernald très dubitatif sur le fait que le recours au télétravail entraînera une progression importante des gains de productivité à terme. Il faudra encore de longues années pour savoir quels seront les effets du travail à domicile.

Article Les Echos du 29 décembre 2021

Article publié le 3 janvier 2022.


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