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Les pièges de la réforme révélés dans l’Hémicycle

Le débat de fond a surgi sur la réforme des retraites grâce à la bataille d’amendements menée par les groupes d’opposition. Au plus grand désespoir des macronistes, qui refusent de voir la réalité du texte et ne savent pas comment défendre la loi inique concoctée par le gouvernement.

Ils ne savent plus quoi répondre. Le débat parlementaire sur la réforme des retraites tourne au calvaire pour les députés LaREM. Ils éludent, renvoient à la conférence de financement, grossissent les défauts du régime actuel, vitupèrent, mais ne répondent pas sur le fond. « Il n’y a aucune garantie dans ce texte »,déplorent les élus de gauche comme de droite : quel sera le niveau des pensions  ? Quel sera l’âge de départ à la retraite  ? Quels droits seront liés à la pénibilité, au chômage, aux enfants  ? Silence radio du côté des macronistes. Poussée dans ses derniers retranchements, la rapporteuse du volet organique de la loi a même répondu, lundi, par un édifiant lapsus. « Nous vous proposons un grand bond en arrière  ! » a tonné Cendra Motin, sous les applaudissements des élus de la majorité qui n’ont même pas entendu le cruel aveu. Tout comme ils n’écoutent pas les démonstrations réalisées chaque jour par les députés d’opposition. Florilège.

1)La règle d’or et rien d’autre
Ils ont épluché le projet de réforme et l’étude d’impact dans tous les sens : rien. « C’est incroyable, malgré tous nos efforts pour connaître la réalité de votre loi, nous ne savons toujours pas quel est l’âge d’équilibre à partir duquel les salariés pourront faire valoir leurs droits à taux plein »,s’étouffe Fabien Roussel. « Dans l’étude, on parle de 65 ans, mais dans la loi, il n’y a rien  ; dans vos propos, il n’y a rien  ! » ajoute le secrétaire national du PCF. « C’est un système à points », répondent en chœur les macronistes, comme si cela devait tout expliquer. « Mais la valeur du point n’offre aucune garantie sur le montant des pensions, car le coefficient de conversion entre la valeur d’achat et la valeur de service est encore inconnu  ! » insiste l’élu FI Adrien Quatennens. « Dans le texte, la seule garantie, c’est votre règle d’or qui porte uniquement sur l’équilibre financier du système et la part des retraites dans le PIB. Donc, les pensions serviront de variable et baisseront  ! » s’insurge le député PS Boris Vallaud. N’ayant pas convaincu la majorité, les élus déposent des amendements. Les communistes Pierre Dharréville et Stéphane Peu invitent à interdire de désindexer les retraites par rapport à l’inflation, puis à fixer a minima des pensions à 75 % des salaires perçus pendant la carrière. Le rapporteur Modem Nicolas Turquois les repousse avec morgue. « J’ai fait un certain nombre de calculs pour essayer de favoriser l’endormissement des uns et des autres »,démarre-t-il, avant d’assurer à tort que « les masses en jeu avant et après la réforme sont du même ordre de grandeur », et de conclure sans préciser : « Certains auront moins que prévu pour que d’autres aient plus que prévu. »

2)Les agriculteurs, sacrifiés sur l’autel du capital
Qui aura moins et qui aura plus, du coup  ? « Vous avez décidé de câliner les plus riches, de faire payer les plus pauvres, d’humilier les agriculteurs, de renoncer à la parole donnée  ! » dénonce dans l’Hémicycle le député PCF Sébastien Jumel. En cause, l’abandon de la promesse de Macron d’augmenter les pensions des agriculteurs déjà retraités à 85 % du Smic. « Le président dit qu’on n’a pas les moyens, mais on a trouvé les moyens de rendre 4 milliards d’euros au 1 % de Français les plus riches  ! » accuse Boris Vallaud. L’élu PS pointe ici l’autorisation faite aux plus fortunés de se constituer leur propre cagnotte de retraite, au détriment de tous les autres. Les députés PCF déposent alors un amendement pour taxer le capital afin de financer les retraites. « Opposer en permanence travail et capital ne me semble pas très sain »,répond le secrétaire d’État aux retraites Laurent Pietraszewski en rejetant la proposition. « Nous ne cherchons pas à opposer le travail et le capital, mais à inscrire la possibilité de les faire participer tous deux au financement du système de retraite  ! » répond Fabien Roussel. Le socialiste Dominique Potier monte lui aussi au créneau. « Malsain  ? Cette question des écarts entre capital et travail est tout sauf taboue, il est même extrêmement sain de la poser  ! » lance-t-il en soutenant l’amendement PCF, en plus d’en déposer un autre pour « mobiliser 20 à 30 milliards d’euros sur les revenus du capital, soit 20 à 30 fois la somme nécessaire pour permettre aux paysans les plus pauvres de retrouver la dignité que leur doit la nation ».Cette solution, qui n’aurait pas bénéficié qu’aux agriculteurs mais à tous les Français, a sans surprise été jetée à la poubelle par la Macronie.

3)Les droits familiaux amputés
C’est l’un des arguments favoris du gouvernement : son régime par points permettrait d’en finir avec les inégalités de retraites, bien réelles, entre les hommes et les femmes. Dans le futur régime, « chaque naissance donnera lieu à l’attribution d’une majoration de 5 % des points acquis par les assurés au moment du départ à la retraite »,promet le gouvernement. Mais, pour la députée socialiste Valérie Rabault, le compte n’y est pas. Dans l’Hémicycle, elle prend le cas d’une femme née en 1975, qui commence à travailler à 22 ans : « Dans le système actuel, cette femme doit cotiser 43 ans pour bénéficier d’une retraite à taux plein, ce qui l’amène à travailler jusqu’à 65 ans. Supposons maintenant qu’elle ait un enfant : le système actuel lui donne droit à une majoration de huit trimestres, ce qui lui permet de partir à 63 ans. Dans le futur régime, un enfant lui donnera certes droit à une majoration de 5 %… Mais si elle décide toujours de partir à 63 ans, elle subira les effets du malus prévu, qui est de 5 % par année : soit 10 % de moins. Au total, elle aura donc perdu 5 % de pension. Je n’appelle pas ça la résorption des inégalités entre hommes et femmes. »

Autre lièvre soulevé par l’opposition, celui du volume de ressources attribué dans le nouveau régime à cette question. Le député LR Éric Woerth est revenu à la charge à plusieurs reprises : « Selon le graphique réalisé par vos services, les masses financières consacrées aux droits familiaux seraient, en 2050, moins importantes qu’elles ne l’auraient été sans la réforme. (…) Il y aurait donc moins de droits familiaux qu’actuellement  ? » Sans surprise, sa question n’a pas obtenu de réponse claire.

4)Des revalorisations renvoyées à plus tard
Pour tenter d’apaiser les professions qui craignent d’être particulièrement pénalisées par la réforme des retraites, le gouvernement promet d’hypothétiques revalorisations de salaires. « Comment s’opposer à une réforme qui offre enfin l’occasion d’augmenter les salaires des enseignants et des chercheurs  ? » fait mine de s’interroger Agnès Firmin-Le Bodo, députée Modem. Au passage, ce raisonnement est curieux, dans la mesure où on pouvait très bien revaloriser les enseignants sans réformer les retraites… Les syndicats ont entamé des négociations avec le ministère de l’Éducation. Le ministre Blanquer vient d’annoncer que les enseignants débutants gagneraient 100 euros de plus net par mois à partir de 2021, mais le flou persiste selon Francette Popineau, cosecrétaire générale du SNUipp-FSU : « Il n’est évidemment pas absurde de revaloriser les débutants. Mais nous avons besoin de précision. Qui sera concerné  ? Les professeurs stagiaires ou bien les titularisés  ? S’agira-t-il de salaire ou de prime  ? Par ailleurs, il faudra revaloriser également les fins de carrière. » Quoi qu’il en soit, la syndicaliste souligne que les hausses de rémunération ne suffiront pas à corriger les effets du projet de loi : « Nous avons calculé que les enseignants perdront entre 600 à 900 euros de retraite avec la réforme. »

Article L’Humanité du 26/2/2020

Article publié le 26 février 2020.


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