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Les zones d’ombre de la réforme de la fiscalité locale

Si les grandes lignes du projet gouvernemental sont connues, plusieurs incertitudes demeurent sur le mécanisme prévu pour compenser la suppression de la taxe d’habitation. Tour d’horizon de ces angles morts avant la présentation officielle de la réforme, dans le cadre du budget 2020.
Le compte à rebours est lancé. Dans moins d’un mois, dans le cadre de la présentation du projet de loi de finances (PLF) pour 2020, le gouvernement précisera ses intentions quant à la réforme de la fiscalité locale, provoquée par la suppression prochaine de la taxe d’habitation.

Les grandes lignes de ce projet sont connues depuis le mois de juin, le gouvernement envisageant d’affecter aux seules communes la fraction départementale de la taxe foncière et de compenser en retour, par l’affectation d’une recette “dynamique” (la TVA), les départements mais aussi les intercommunalités . Reste que plusieurs questions demeurent en suspens, quitte à entretenir un flou qui serait, selon certains experts, le présage d’une véritable usine à gaz. En jeu : le nouveau schéma de financement des collectivités qui devrait être effectif en 2021.

Soutenabilité financière des départements en question

Mise en avant ces dernières semaines, la principale incertitude réside dans la soutenabilité financière des départements sur le long terme dans le cadre du schéma retenu par l’exécutif. Dans une récente note “d’alerte”, l’Afigese, association des gestionnaires des collectivités, estimait ainsi que le remplacement envisagé pour les départements de la taxe foncière par une fraction de TVA risquait de les conduire dans une “impasse budgétaire dès le prochain retournement de conjoncture”.

“Si un retournement” de situation (une baisse des recettes de TVA par exemple) “venait à se produire”, les départements “ne disposeraient plus d’aucun filet de sécurité pour pallier l’effondrement de leurs principales recettes, les conduisant inéluctablement dans une impasse financière”, expliquait l’association en réclamant la conduite d’un “stress-test” de leur situation financière . Un constat que partage Michel Bouvier, professeur en droit public et président de l’Association pour la fondation internationale de finances publiques (Fondafip), pour qui le transfert d’une fraction de TVA aux collectivités n’est pas “une bonne idée” compte tenu de la “fragilité et de l’hypersensibilité” de cet impôt.

Compensation pérenne ?

Autre incertitude : le financement complémentaire de l’État (d’1 milliard d’euros) prévu par le gouvernement pour “assurer la compensation intégrale” pour les communes de la suppression de la taxe d’habitation par la fraction départementale de la taxe foncière. À l’issue d’un groupe de travail organisé le 23 juillet dernier sur la réforme, les membres du Comité des finances locales (CFL) ont ainsi indiqué ne pas avoir obtenu de précision quant à l’“origine” de ce milliard d’euros “et donc [sur] sa pérennité”.

Quant au mécanisme correcteur qui devrait s’appliquer lorsque la recette de taxe foncière ne correspond pas exactement au montant de la taxe d’habitation perçue par la commune, son coefficient “ne sera pas gravé dans le marbre”, expliquait le président du CFL, André Laignel. “Il n’existe pas aujourd’hui de garantie dans la durée de la compensation promise aux communes”, soulignait celui qui est aussi premier vice-président délégué de l’Association des maires de France (AMF), association qui soutient la position avancée par le CFL d’un dégrèvement total en lieu et place d’un rebattage des cartes entre collectivités.

Par ailleurs, certaines communes surcompensées (au regard de leur produit actuel de taxe d’habitation) devraient garder leur surcroît de recette issu du transfert de la part départementale de taxe foncière. Et ce dès lors que ce surplus de taxe foncière “n’excède pas 15 000 euros”, précisait le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, au mois de juin. Dans ce cas, près de 10 000 communes bénéficieraient de ce “cadeau” de la part de l’État pour un coût de 60 millions d’euros au total environ.

Risque de perte de ressources

Les préoccupations demeurent également sur les bases et taux de référence qui seront retenus pour la mise en place du nouveau schéma financier. La loi de finances initiale pour 2018 posait en effet le principe d’une compensation (par dégrèvement) de la taxe d’habitation sur les taux 2017.

Dans ce cas “il existera un risque de perte de ressources pour les collectivités ayant augmenté leurs taux de taxe d’habitation en 2018 ou 2019”, souligne-t-on à France urbaine. “La réforme reviendrait sur les ressources nouvelles votées depuis, ajoute André Laignel. Celles-ci ne seraient donc plus compensées à l’euro près conformément à l’engagement ferme du gouvernement.” Au total, selon des données de la direction générale des finances publiques (DGFIP), le nombre de communes ayant augmenté leur taux de taxe d’habitation en 2018 et 2019 s’établit respectivement à 6 000 et 3 200.

Des conséquences sur la DGF et les fonds de péréquation

Cette réforme ne sera pas sans conséquence également pour le calcul de la dotation globale de fonctionnement (DGF) ou des fonds de péréquation. Le panier de ressources des collectivités s’en trouvera modifié, nécessitant ainsi de redéfinir les indicateurs financiers utilisés dans le calcul de cette dotation et de ces fonds (potentiel fiscal et financier, coefficient d’intégration fiscale, effort fiscal).

“Comme le nouveau panier de recettes entrera en vigueur en 2021, les conséquences se produiront sur la DGF et les fonds en 2022”, explique un document de la DGFIP et de la direction générale des collectivités locales (DGCL) transmis aux membres du Comité des finances locales. Les modifications nécessaires pourront, indiquent ces directions, “faire l’objet de travaux au premier semestre 2020”, “être inscrites en PLF 2021” et “si besoin, ajustées en PLF 2022”.

Les intercos veulent éviter « toute spécialisation » fiscale sur un impôt non-territorialisé
Si elle se dit « ouverte à étudier » le scénario de l’affectation aux intercommunalités d’une fraction de TVA en complément de leur part actuelle de taxe foncière, l’Assemblée des communautés de France (AdCF) se dit « en revanche très défavorable » à l’affectation « intégrale » de cette fraction de TVA aux intercommunalités, « au risque d’une spécialisation fiscale excessive des métropoles et communautés sur cet impôt non-territorialisé ». L’association souhaite notamment que les communes et intercommunalités « restent en mesure de définir librement les clefs de partage appropriées de la taxe foncière et de la TVA dans le cadre de leurs pactes fiscaux et financiers ». Elle demande ainsi que « le scénario de descente de la part départementale de taxe foncière et de la TVA s’opère à travers une répartition des deux impôts au prorata des parts communales et intercommunales de la taxe d’habitation ». Un panier « mixte » de ressources, « sauf choix contraire défini localement », explique-t-elle. L’AdCF estime en effet que la TVA « sera insensible aux efforts fournis par les intercommunalités » et « ne prendra aucunement en compte le développement du territoire puisque l’indexation sera uniforme au niveau national ». Et ce même si la TVA « a l’intérêt de pouvoir apporter aux collectivités une garantie de croissance ».

Article Acteurs Publics du 26 août 2019

Article publié le 26 août 2019.


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