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Libre-échange Accord Mercosur : Pourquoi la France tergiverse

En marge du G7, Emmanuel Macron a annoncé, le 23 août, « qu’il ne signerait pas le Mercosur en l’état ». Il avait pourtant salué l’accord conclu entre l’Union européenne et les pays du Mercosur qu’il avait qualifié de « bon accord commercial, bon pour nos entreprises et nos emplois », le 29 juin, à l’occasion d’une conférence de presse en marge du sommet du G20, au Japon. Comment expliquer un tel revirement ?

Qu’est ce que l’accord UE/Mercosur ?
L’accord de commerce conclu le 28 juin 2019 entre l’UE et les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay), après près de 20 ans de négociations, est de par sa taille un accord encore plus important que le Ceta. L’UE se félicite ainsi d’être « le premier partenaire commercial de poids à conclure un accord commercial avec le bloc du Mercosur » qui représente un marché de 260 millions de consommateurs jusqu’à présent encore assez fermé.

Le contenu de cet accord est assez classique et ressemble en de nombreux points au Ceta. Il porte à la fois sur les biens et les services, avec une diminution des droits de douane mais aussi d’autres types de barrières au commerce. Il devrait par exemple favoriser les exportations européennes dans les secteurs automobile, chimie, pharmacie, habillement ou alimentaire et offrir aux entreprises européennes un nouvel accès aux marchés publics de ces pays. En échange, les membres du Mercosur bénéficieront de débouchés accrus sur le marché européen pour leur production notamment agricole en particulier de soja, de bœuf, de volaille ou du sucre. En revanche, à la différence du Ceta, l’accord de concerne pas les investissements et ne contient donc pas de mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États.
Lancées en 1999, les négociations ont suscité dès le début une forte inquiétude. Les organisations de la société civile craignaient un accord taillé pour les entreprises multinationales européennes et le secteur agro-exportateur du Mercosur, qui pourrait avoir pour conséquence de « reprimariser » les économies sud-américaines et de les enfermer dans un modèle extractiviste, destructeur pour l’environnement et les populations. Interrompues puis relancées plusieurs fois, les discussions se sont déroulées dans l’opacité traditionnellement de mise dans les négociations commerciales. Le mandat de négociation reçu par la Commission européenne par les États membres n’a par exemple à ce jour encore jamais été publié.
Et leur finalisation intervient dans un contexte particulièrement sensible en raison de la détérioration dramatique des droits humains et de la situation écologique au Brésil depuis l’élection de Jair Bolsonaro. En avril 2019, plus de 600 scientifiques européens et 300 groupes indigènes brésiliens, avaient ainsi interpellé l’UE puis mi-juin 340 organisations de la société civile s’étaient associées pour demander l’abandon des négociations.

La France indécise ?
La position du gouvernement français n’a longtemps semblé pas clairement définie. Attentive aux préoccupations exprimées par les éleveurs, la France avait fait savoir à plusieurs reprises qu’elle préférait ne pas conclure un accord trop vite et que ses lignes rouges devaient être respectées. Mais le flou était savamment entretenu sur la teneur de ces dernières, à savoir s’il s’agissait des concessions commerciales du Mercosur sur les intérêts offensifs de la France tels que l’ouverture des marchés publics ou le nombre d’indications géographiques protégées, la taille de l’enveloppe des futures importations européennes de viande de bœuf ou le respect d’un socle minimal de règles sociales et environnementales
Après avoir vivement critiqué ces négociations, Emmanuel Macron s’y était montré plutôt favorable en janvier 2018. La tension est alors montée à mesure que la fin des négociations approchaient. Sous la pression des éleveurs, le ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume avait, lui fermement pris position contre un éventuel accord, devant le Sénat, le 16 mai 2019.

Puis le président de la République avait finalement applaudi l’annonce de la conclusion des négociations, le 29 juin dernier, en marge du sommet du G20. Selon la communication du gouvernement, l’accord avec le Mercosur présentait des garanties environnementales importantes et devait permettre d’arrimer le Brésil à l’Accord de Paris et d’isoler Donald Trump dans son entreprise de sape de la mobilisation internationale contre le dérèglement climatique.

Recul de Paris
Comment expliquer dès lors le recul de la France, à peine deux mois plus tard, à l’occasion du sommet du G7 ? Est-ce l’ampleur de la mobilisation du monde agricole contre le Ceta et l’alliance inédite formée avec les écologistes à l’encontre de la politique commerciale européenne qui a contraint le gouvernement à retirer son soutien à l’accord UE/Mercosur ? Et ce pour calmer le jeu avant le vote du Ceta au Sénat, prévu en octobre ? S’agit-il d’ailleurs d’une demande d’abandon définitif de l’accord Mercosur ou d’un simple exercice de diplomatie pour faire pression sur le Brésil ?
S’il est encore trop tôt pour le dire, il faut reconnaître que la France a cette fois-ci montré un certain leadership. Ses annonces ont eu le mérite de déclencher une vague de déclarations similaires de la part de l’Irlande, du Luxembourg, de l’Autriche et des ministres de l’Agriculture de l’Allemagne et de la Slovénie. Mais les mots choisis par ces gouvernements semblent plutôt plaider pour une suspension temporaire du processus de ratification que pour une dénonciation complète de l’accord conclu.

Vers une réforme de la politique commerciale ?
Le Brésil a lui rapidement réagi, dénonçant l’ingérence des pays européens dans ses affaires internes. Une riposte classique qui ne s’avère être pas tout à fait juste dans ce cas précis. En tant que deuxième partenaire commercial du pays, il incombe en effet à l’UE de s’assurer que les produits commercialisés sur son marché répondent à un certain nombre de standards internationaux en matière sociale, environnementale et de droits humains.

Et c’est au contraire en ne faisant rien que l’UE se rendrait directement complice de l’accélération sans précédent de la destruction de l’Amazonie brésilienne. Dans cette perspective, Bruxelles doit maintenant non seulement renoncer à octroyer de nouveaux avantages commerciaux au Brésil (en abandonnant ce projet d’accord UE/Mercosur) mais aussi déployer des sanctions commerciales à son encontre, ciblées sur les importations les plus nocives en matière de déforestation.

Article Alternatives Économiques du 4 septembre 2019

Article publié le 5 septembre 2019.


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