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Sans les subventions, les agriculteurs feraient faillite

Sans les subventions, les agriculteurs feraient faillite. L’État doit intervenir et créer une régie des marchés agricoles et alimentaires.

Romain Dureau Ingénieur agronome et docteur en économie

Garantir aux agriculteurs un prix juste et rémunérateur pour leur travail a aujourd’hui tout d’un vœu pieux. C’est en tout cas ce qu’affirment certains discours convenus qui ne parviennent pas à s’extraire d’une vision dogmatique de l’efficience des marchés libres. Pourtant, l’histoire démontre clairement cette évidence, confortée par de nombreux arguments théoriques : les marchés agricoles ne s’autorégulent pas. Ils sont naturellement instables, soumis aux aléas climatiques, soumis à la spéculation et les prix y sont fixés en s’alignant sur les plus faibles coûts de production, que peu de producteurs peuvent en réalité atteindre. Dans ce contexte de compétition exacerbée, il est illusoire pour la majorité des agriculteurs d’espérer obtenir un juste prix sur les marchés internationaux et de peser dans les rapports de forces avec l’industrie et la distribution. De nombreuses entreprises agricoles seraient en faillite si les subventions de la politique agricole commune ne soutenaient pas leurs revenus. Le constat est pire encore si l’on considère le taux de rémunération horaire du travail réel des chefs d’exploitation.

Encore prisonnières de tabous dogmatiques malgré des avancées notables, les lois Egalim I et II ne sont pas de nature à rééquilibrer suffisamment le rapport de forces au sein des filières, omettant notamment d’intégrer les coopératives agricoles dans leur champ d’application et refusant que l’État intervienne directement sur les marchés. La contractualisation obligatoire entre les agriculteurs et l’industrie agroalimentaire ne saurait pleinement fonctionner si l’État n’intervient pas pour maîtriser la production et pour garantir un prix minimal calculé sur la base des coûts de production et d’une marge suffisante pour rémunérer les producteurs. Ces coûts de production ne doivent pas être déterminés par les seules interprofessions, au sein desquelles les rapports de forces risquent d’être encore à l’avantage de l’industrie et de la distribution.

Quelles que soient les orientations futures de la politique agricole européenne, l’État doit, en France, pouvoir intervenir pour rééquilibrer ces rapports de forces en s’impliquant non seulement dans le calcul des coûts de production mais également dans la fixation et l’encadrement des prix. Les missions de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires doivent être élargies et refondées au sein d’une régie des marchés agricoles et alimentaires dont la mission sera d’assurer un prix rémunérateur pour le producteur et juste pour le consommateur. Chaque fois que nécessaire, la régie devra convenir de quotas pour limiter le risque de surproduction et définir les protections douanières pour stopper le dumping social et environnemental des importations. Cette régie sera l’outil d’un nouveau contrat social entre l’agriculture et la société, un espace de dialogue et d’apaisement au service de l’intérêt général et du recouvrement de notre souveraineté alimentaire.

Article L’Humanité du 3 mars 2022

Article publié le 4 mars 2022.


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