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Un pognon de dingue pour faire baisser le « coût du travail »

La CGT a demandé à des chercheurs un inventaire des aides publiques au capitalisme. C’est colossal : près de 160 milliards d’euros ont été accordés en 2019 aux entreprises privées, sous perfusion désormais. Soit le premier poste de dépenses de l’État !

Le chiffre en lui-même impressionne : l’État a aidé les entreprises privées à hauteur de 157 milliards d’euros pour la seule année 2019. Mais la progression est encore plus ahurissante. En 1980, ces aides n’atteignaient pas les 10 milliards d’euros. En 2005, elles dépassaient juste les 50 milliards. Durant les deux années 2014-2015, les subventions se sont envolées, avec les « pactes de compétitivité » et de « responsabilité » du président François Hollande, marquant le tournant vers une « politique de l’offre » et l’arrivée à Bercy d’un certain Emmanuel Macron. Le rapport « Un capitalisme sous perfusion. Mesure, théories et effets macroéconomiques des aides publiques aux entreprises françaises », publié ce mois d’octobre par le Centre lillois d’études et de recherches sociologiques et économiques (Clersé), s’arrête en 2019, mais l’inflation des aides publiques continue de crever le plafond. Le gouvernement s’apprête à supprimer la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Les aides liées à la crise sanitaire ne sont pas non plus prises en compte.

Ce rapport a tout pour devenir une référence tant sa méthodologie est claire. Il s’agit de répertorier les types d’aides aux entreprises, qui sont de trois sortes : les subventions directes, les crédits d’impôts et les baisses de cotisations. Et il y en a des centaines ! « Il existe donc trois budgets impliqués administrativement dans la transmission des aides publiques aux entreprises, lesquels correspondent aux trois catégories d’administrations publiques : les administrations publiques centrales, locales et de Sécurité sociale », explicitent les auteurs.

61 milliards de crédits d’impôts

Celles qui ont augmenté ces dernières années sont les dépenses dites sociofiscales. Ce sont toutes les aides visant à faire baisser le « coût du travail » au nom de l’emploi. Elles prennent la forme de baisses des cotisations sociales et amputent d’autant, par ricochet, les recettes de la Sécurité sociale. Depuis que le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (Cice) a été transformé en baisse permanente des cotisations, en 2019, ce type d’aide est devenue la plus importante en volume, avec près de 65 milliards d’euros. La Cour des comptes pointe à ce propos que le « Cice explique à lui seul 70 % de la hausse du coût total des dépenses fiscales entre 2013 et 2019 ». Les auteurs du rapport montrent, de leur côté, que ces baisses des cotisations ont une incidence énorme sur la protection sociale, qui n’est plus financée qu’à 58 % par le travail.

La deuxième catégorie d’aides concerne les dépenses fiscales, c’est-à-dire le renoncement de l’État à prélever la totalité de l’impôt qui lui est dû, voire, au contraire, à « devoir » une « créance ». Le principe reste le même que précédemment, il s’agit d’un manque à gagner, une perte de recettes budgétaires, mais qui n’ampute pas les mêmes caisses. Les crédits d’impôts sont légion. Ils ont explosé depuis 2007, s’élèvent à un peu plus de 61 milliards d’euros pour 2019, on les appelle les dépenses fiscales « classées applicables aux entreprises ». On trouve le crédit impôt recherche, les taux réduits de TVA, les taxes sur la consommation d’énergie ou l’immatriculation de véhicules, etc.

Les auteurs du rapport ont fait le choix d’ajouter les dépenses dites « déclassées », celles qui ne sont pas comptabilisées par l’administration fiscale, principalement dans le but d’éviter la double imposition. Sauf que c’est là que se cachent des mécanismes très coûteux d’optimisation fiscale comme le régime mère-filles, qui permet aux multinationales de bénéficier d’une exonération d’impôt sur les sociétés sur les dividendes reçus par ses filiales. En prenant en compte ces dépenses dites déclassées, les aides fiscales montent à près de 110 milliards d’euros, et le total des aides publiques aux entreprises s’approche alors des 205 milliards par an ! Mais la Direction de la législation fiscale ne reconnaît pas « officiellement » ces dépenses fiscales.

« Surprofits » et hausse de la TVA

La troisième catégorie d’aides aux entreprises est la plus simple ; elle correspond aux dépenses budgétaires de l’administration centrale ou des collectivités locales. Ce sont les plus stables, autour de 32 milliards d’euros par an.

L’essentiel des aides consiste donc en une baisse de la fiscalité. On pourrait s’attendre à ce que l’augmentation de ces mesures provoque une diminution du taux de prélèvement obligatoire dans son ensemble. Sauf que, dans les faits, la pression fiscale est plutôt reportée sur d’autres acteurs économiques. Par exemple, lorsque l’État a mis en place le Cice, il a augmenté dans le même temps et en partie la fiscalité assise sur les particuliers, via la hausse de la TVA, et la fiscalité écologique. Les auteurs du rapport pointent enfin une forme d’accoutumance du capital aux aides publiques, qui participe de manière déterminante à leurs résultats financiers. « Dès lors, ces surprofits, maintenant considérés comme normaux, seront orientés vers les détenteurs du capital », expliquent-ils. Dit autrement, en fin de chaîne, ce sont les actionnaires qui se gavent d’argent public.

Article L’humanité Dimanche du 3 novembre 2022

Article publié le 7 novembre 2022.


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