vous êtes ici : accueil > Divers

Vos outils
  • Diminuer la taille du texte
  • Agmenter la taille du texte
  • Envoyer le lien à un ami
  • Imprimer le texte

Une association veut bousculer l’accès aux documents administratifs

L’association Open Knowledge France s’apprête à lancer un service pour simplifier et rendre plus transparent l’accès aux documents administratifs. Sa mise au point vise surtout à mettre en exergue les faiblesses de la loi “Cada” et la lenteur des procédures.
Avoir accès à un document administratif peut s’apparenter à un parcours du combattant. Mais cela pourrait bien changer. Pour rendre ce droit plus effectif, l’association Open Knowledge France travaille depuis plusieurs mois sur un nouveau service en ligne censé en simplifier les demandes d’accès, notamment inspiré du site “What do they know” lancé au Royaume-Uni, et reprenant sa technologie. “On s’est rendu compte que la loi Cada [pour Commission d’accès aux documents administratifs] présentait des faiblesses et poussait plutôt les administrations à l’attentisme et au contournement des requêtes”, explique à Acteurs publics Samuel Goëta, membre fondateur de l’association.
Le droit d’accès aux documents administratifs existe en effet depuis 1978, mais il n’est pas toujours simple de le faire respecter. Les administrations rechignent parfois à communiquer leurs documents et se reposent le plus souvent sur l’avis de la Commission d’accès aux documents administratifs (Cada), qui joue alors un rôle d’intermédiaire entre les citoyens et les administrations qu’ils sollicitent. Et ça, c’est dans les cas où le citoyen parvient à identifier et joindre le point de contact de l’administration concernée.

Transparence et effectivité de la procédure
“Le portail Madada.fr [pour « Ma demande d’accès à un document administratif », ] doit faciliter la demande de l’utilisateur en le guidant et en lui permettant de trouver directement le contact adéquat dans l’administration”, explique Samuel Goëta. En plus de simplifier le processus, le service vise à apporter un nouveau vent de transparence sur cette procédure paradoxalement opaque. Alors qu’aujourd’hui, le demandeur est tenu à l’écart des échanges entre la Cada et l’administration concernée, avec Madada.fr, “tous les échanges de la procédure sont rendus transparents et publics, et le fichier demandé est automatiquement publié en ligne une fois communiqué par l’administration”, souligne celui qui a également cofondé une coopérative spécialisée dans l’ouverture et l’exploitation des données.
De quoi faire profiter à tous de l’obtention d’un document d’intérêt général, mais aussi éviter la redondance des demandes pour un même document et donc désengorger la commission. En outre, la transparence des échanges devrait également permettre de pointer la source du problème : le manque de ressources, ainsi que la complexité des circuits de validation et ses délais dans les administrations.

Précieuse base d’adresses mail
Pour avancer le développement du service en ligne, dont un prototype est d’ores et déjà en ligne, Open Knowledge a organisé un “hackathon” le 23 juillet, avec pour objectif d’améliorer l’ergonomie et la documentation du service, mais aussi et surtout de l’alimenter avec les adresses mail de l’ensemble des personnes responsables de l’accès aux documents administratifs (Prada). Un prérequis indispensable qui n’a rien d’évident. Car paradoxalement, la Cada elle-même n’a pas voulu communiquer à l’association la base d’adresses mail pour contacter les Prada. Un refus qui a abouti à une situation des plus cocasses : pour tenter d’obtenir cette liste d’adresses mail, Samuel Goëta a été contraint de saisir la Cada… pour qu’elle émette un avis sur la transmission d’un document dont elle est elle-même détentrice !
En attendant, les développeurs se sont contentés d’y intégrer les adresses de contact génériques de près de 50 000 administrations et travaillaient à contourner l’absence de communication de la liste des Prada en tentant de deviner leur adresse mail à partir de leur nom et de leur administration. Mais fin juillet, la Cada a finalement rendu un avis positif à la demande et devrait prochainement transmettre la fameuse liste des Prada, “ce qui devrait grandement aider au développement de Madada.fr”, se félicite le militant associatif.

Une Cada débordée
Voilà qui ne devrait pas arranger les affaires de la Commission d’accès aux documents administratifs, qui croule toujours plus sous les dossiers. Comme le pointait notre bilan de la loi Lemaire, deux ans après sa promulgation, et alors que l’open data par défaut, c’est-à-dire l’ouverture de manière spontanée par les administrations de leurs données, entrait pleinement en vigueur, la Cada peine à sortir la tête de l’eau. La faute à un manque de moyens, à une augmentation de son activité et à une complexification de ses dossiers, avançait alors le président de l’institution, Marc Dandelot.
Les 13 équivalents temps plein (ETP) de la commission ont dû traiter la bagatelle de 7 000 dossiers l’an dernier. Résultat : les délais d’instruction ne cessent de s’allonger, pour atteindre le chiffre record de 130 jours en moyenne pour 2018, contre 51 jours seulement en 2013. Et ce alors même que la loi prévoit un délai maximal d’un mois. Sur Twitter, de nombreux messages postés par des acteurs associatifs ou des journalistes font état de délais d’instruction de leur demande de plus en plus longs, l’accusé de réception lui-même allant parfois jusqu’à six ou huit mois.
Et ce n’est pas la mise en ligne d’un service visant à faciliter les demandes qui devrait ralentir la cadence infernale imposée à la Cada. Samuel Goëta en est bien conscient, mais pour lui, c’est aussi “un moyen de sensibiliser les administrations au droit d’accès et de faciliter les demandes et leur traitement”. Le militant associatif nourrit d’ailleurs l’espoir, avec ce genre de service, d’alerter sur le manque d’effectivité de la loi Cada et de la voir évoluer, comme en Belgique, où la mise en ligne d’un service similaire a poussé la Wallonie à réviser sa propre loi. Désormais, la Cada belge est dotée de pouvoirs d’investigation lui permettant d’aller chercher elle-même des documents qu’une administration se refuserait à communiquer.

Article Acteurs Publics du 20 août 2019

Article publié le 23 août 2019.


Politique de confidentialité. Site réalisé en interne et propulsé par SPIP.