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Vers la fin du CDI à vie pour les professeurs ?

Ce mercredi, la commission de la Culture, de l’Education et de la Communication du Sénat dresse « le bilan des mesures éducatives du quinquennat ». La veille, Jean-Michel Blanquer avait été entendu sur le même sujet par les sénateurs.

Des déserts éducatifs, comme en Irlande ou au Portugal où les enseignants se font rares ? Le spectre se rapproche de la France avec ce constat récurrent : le métier d’enseignant ne fait plus rêver. Année après année, des postes ouverts au concours du Capes restent vacants. En 2021, le déficit s’est encore manifesté en lettres classiques, allemand, maths. Il a récemment fallu deux mois pour dénicher un enseignant en français pour un poste dans le nord de l’Aisne. A peine plus d’un quart des profs recommanderait à un jeune de se lancer dans le métier, selon le baromètre du syndicat Unsa.

Le système craque par les deux bouts. Les jeunes recrues sont découragées par les classes surchargées et un traitement en début de carrière qu’elles ne verront rattraper la moyenne européenne qu’après 50 ans. Leurs aînés, exténués, voudraient quitter leur classe avant la retraite. Le coût des absences vient d’être évalué à 4 milliards d’euros annuels par la Cour des comptes. Même au sein de la très rigide Education nationale, l’idée d’introduire davantage de souplesse fait son chemin.

Fake news. Au nombre des propositions iconoclastes, celles prêtées à l’équipe Macron pour un futur quinquennat : fin du recrutement à vie et suppression du Capes feraient partie de la réflexion, selon les récentes confidences d’un ministre à France Info. « Ça ressemble à une fake news, une bonne façon qu’aucun enseignant ne vote pour Emmanuel Macron alors qu’il a eu des soutiens [38 % des voix des enseignants] en 2017. A ce régime, on casserait la garantie de l’emploi », réagit Bruno Bobkiewicz, secrétaire national du SNPDEN (personnels de direction).
Le niveau des salaires reste bien une cause majeure de la chute de l’attractivité du métier de professeur.

Est-ce bientôt la fin d’un modèle où, après cinq ans d’études, on entre dans un métier pour en sortir 42 ans plus tard ? Plutôt que de chercher à attirer et retenir les profs à tout prix dans la carrière, l’objectif serait de ne plus envisager le métier sous une forme linéaire. « Les jeunes enseignants que je reçois me disent souvent qu’ils ne cherchent pas un poste à vie », note une proviseure du nord de la France. Rares sont cependant les spécialistes de l’éducation qui envisagent des carrières d’« intermittents » où le métier de prof ne serait qu’un passage professionnel parmi d’autres. L’heure n’est pas au zapping permanent mais à plus de flexibilité et d’attractivité.

Le rapport du Sénat sur la politique éducative du quinquennat, rendu public ce mercredi, avance deux pistes au chapitre attractivité. Ne pas nommer des enseignants non chevronnés dans des quartiers d’éducation prioritaire afin d’éviter « le bizutage institutionnel », selon la formule d’un des rapporteurs, Max Brisson (LR), qui est aussi le « référent éducation » de la campagne de Valérie Pécresse. L’autre préconisation consiste à accélérer le passage d’échelon en début de parcours afin de rattraper la moyenne de l’OCDE en termes de rémunérations.

Car le niveau des salaires reste bien une cause majeure de la chute de l’attractivité. Les efforts consentis se transforment vite en gouttes d’eau dans une administration qui emploie 1,2 million de personnes dont 726 800 enseignants dans le public. Une augmentation de 2,6 % du budget (77,8 milliards d’euros au total) est prévue pour 2022. En 2021, après le Grenelle de l’éducation, 68 millions ont été débloqués sous forme de prime d’attractivité, destinée aux débuts de carrière. Faire en sorte qu’aucun d’entre eux ne perçoive « moins de 2 000 euros nets par mois », a promis Jean-Michel Blanquer.

Prime d’engagement. Outre la revalorisation, on parle aussi beaucoup de différenciation dans l’Education nationale. « Le vrai angle d’attaque, c’est d’arriver à moduler le niveau de rémunération ou de trouver des contreparties pour ceux qui mouillent leur chemise, qui vont dans des zones où personne ne veut aller. La prime de fidélisation de 10 000 euros pour les fonctionnaires exerçant cinq ans en Seine-Saint-Denis, ça va dans la bonne direction », juge Bruno Bobkiewicz.

L’introduction d’une « prime d’engagement », pour ne pas parler de prime au mé-rite, suit aussi son cours, tant dans les écuries Pécresse que Macron. La majorité des syndi-cats reste, elle, très attachée à l’idée qu’une revalorisation ne doit pas être soumise à des contreparties. La proposition d’Anne Hidalgo de doubler le salaire des enseignants en cinq ans a laissé plus d’un professionnel sceptique.

Aérer la carrière, en finir avec cette lourdeur structurelle qui conduit les débutants à pouvoir seulement espérer un salaire dans la moyenne européenne et le lycée de leur choix après trente ans de service : ces pistes sont plus que des ballons d’essai. C’est même « la mère des batailles » pour un proviseur expérimenté.

Article L’Opinion du 23 février 2022

Article publié le 23 février 2022.


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