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CGT, CFDT et FO accusent le groupe Orpea de discrimination syndicale

Les trois centrales dénoncent la mise en place par la direction du numéro un mondial des Ehpad d’un syndicat fantoche

C’est un autre scandale révélé par l’ouvrage de Victor Castanet,Les Fossoyeurs (Fayard, 400 pages, 22,90 euros)  : la mise en place au sein du groupe Orpea d’un syndicat maison, Arc-en-ciel, acquis à la cause de la direction, et qui a obtenu une large majorité dans les instances représentatives.

Selon le témoignage, dans l’ouvrage, d’une jeune juriste, Camille Lamarche, qui était en alternance au sein du service relations humaines (RH) d’Orpea jusqu’en 2019, ce syndicat a été créé de toutes pièces par le groupe pour évincer les autres organisations des instances représentatives. ­Selon le récit de Mme Lamarche, les élus Arc-en-ciel bénéficiaient d’avantages financiers ou de priorités en matière de formations. Elle assure aussi avoir vu comment le siège du groupe «  pilotait  » les élections professionnelles, en accédant aux demandes de primes ou d’embauches formulées par les syndicalistes Arc-en-ciel – des «  victoires  » syndicales parfois organisées en amont avec la direction –, en prolongeant les contrats des salariés qui affichaient leur sympathie pour cette organisation, voire en supprimant les professions de foi CFDT ou CGT des enveloppes prévues pour le scrutin. Contactée, la direction d’Orpea n’a pas répondu aux sollicitations du Monde sur ces accusations.

Dans le même temps, Orpea a adopté une politique d’intimidation systématique à l’encontre des syndicats autres qu’Arc-en-ciel, particulièrement la CGT, dont les représentants sont nombreux à évoquer des situations de harcèlement. «  Le groupe a tout fait pour qu’on ne puisse pas exercer nos fonctions. J’ai vécu des cas où, lorsqu’on accompagnait un salarié à un entretien, il était licencié systématiquement  », témoigne Philippe Gallais, ancien délégué syndical CGT chez Orpea. Se faire assister par un syndicat autre qu’Arc-en-ciel devient «  une pénalité pour le salarié  », déplore-t-il. En 2014, une enquête avait été ouverte après que les syndicats ont soupçonné la mise en place par Orpea d’une opération d’infiltration de la CGT par de faux salariés, menée par une agence spécialisée. Elle a été classée, faute de preuves.

La «  peur  » de témoigner

Les autres centrales ont vécu les mêmes situations, ce qui les a poussées à organiser, jeudi 3 février, au siège de la CGT à Montreuil (Seine-Saint-Denis), une conférence de presse conjointe, en présence de Mme Lamarche, pour interpeller le gouvernement sur ce point. Ils demandent «  de la transparence et des investigations  » sur Arc-en-ciel, qu’ils accusent de ne pas remplir les critères légaux définissant un syndicat, faute, ­notamment, d’autonomie par rapport à la direction du groupe. Ils souhaitent également une enquête sur la politique de licenciements pratiquée par le groupe à l’encontre des salariés soupçonnés de sympathie avec les représentants de leurs organisations.

Selon les syndicats, l’intimidation systématique pratiquée dans le groupe – qui recourt massivement aux CDD et n’hésite jamais à licencier – rend d’autant plus difficile de dénoncer la situation vécue dans les Ehpad d’Orpea. «  On a des salariés très en difficulté qui ne veulent pas témoigner de façon publique, parce qu’ils ont peur, parce que quand vous avez un crédit sur le dos, des enfants, vous préférez vous taire, même si ça vous ronge. Parce que dans ce groupe, si vous parlez à un syndicat autre qu’Arc-en-ciel, vous dégagez  », témoigne Franck Houlgatte, secrétaire général de l’Union nationale FO de la santé privée.

CGT et FO comptent déposer plainte d’ici quelques semaines, la CFDT attend, elle, une validation de ses instances centrales pour les rejoindre. Etienne Margot-Duclot, avocat de la CGT, accompagne déjà, depuis 2019, une procédure visant à faire annuler les accords collectifs conclus par Arc-en-ciel. Mais les syndicats veulent aller plus loin. Me Apolline Cagnat, avocate pour le cabinet Bourdon, évoque ainsi la perspective plus large d’une «  plainte pénale sur la base des révélations  » du livre de Victor Castanet, ciblant à la fois les «  malversations  » du syndicat maison, la politique de discrimination envers certains syndicats, mais aussi la chasse aux coûts drastique menée par le groupe, «  qui a des conséquences sur les salariés  ».«  La peur va changer de côté  », promettent les syndicalistes.

Article Le Monde du 5 février 2022

Article publié le 8 février 2022.


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