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L’ambitieux label France Services veut signer le “retour” de l’État dans les territoires

Issues d’une refonte des maisons de services au public promise en réponse à la crise des “gilets jaunes” en 2019, les nouvelles “maisons France Services” doivent essaimer dans tous les cantons du pays pour tenter de compenser le retrait d’un service public qui se dématérialise à grands pas. Premier volet des trois consacrés à cette mini-révolution dans les territoires.
Ne dites plus “MSAP” ni même “Maisons France Services”, mais juste “France Services”. La nouvelle marque donnée aux points d’accès mutualisés aux services publics doit donner le sentiment d’un nouveau dispositif et d’une nouvelle politique publique de l’État dans les territoires. À en croire un proche collaborateur du président de la République, ces maisons de services au public (MSAP) nouvelle génération ont désormais un seul mot d’ordre : “la qualité, la qualité, la qualité”. La refonte, voulue par Emmanuel Macron à l’issue du grand débat national, en 2019, pour tirer les enseignements du mouvement des “gilets jaunes” nourrit un objectif : reterritorialiser les services publics, ou “compenser la dématérialisation”, ironise un haut fonctionnaire. Et ce avec un engagement répété sur la qualité de l’offre d’accompagnement des usagers.

Juillet 2019 : le Premier ministre Édouard Philippe diffuse une circulaire aux préfets pour matérialiser la promesse présidentielle faite quelques mois plus tôt de créer dans chaque canton un point d’accès mutualisé à différents services publics sous la nouvelle appellation “France Services”. À cette circulaire est jointe une annexe sur le bouquet de services à offrir et une liste des différents critères à respecter à la lettre pour qu’une structure puisse prétendre au label “France Services”, et à ses financements. Chaque structure reçoit en effet 30 000 euros chaque année, quelles que soient sa forme et la palette de services qu’elle offre. Du moment qu’elle est labellisée.

“Le réseau des MSAP souffrait d’une hétérogénéité de qualité assez forte sur le territoire, en fonction du portage, de la localisation, de la fréquentation… Au début de la réflexion sur la refonte du programme, l’idée a immédiatement été d’aller vers un réseau doté d’une qualité de services maximale et homogène”, relate Sophie Duval-Huwart, anciennement responsable du programme France Services à l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), qui conserve, comme son ancêtre le Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET), la main sur le pilotage national du dispositif. “Le fait est que l’on retrouvait sur le territoire une gamme de services assez ­décousue, notamment parce que les agents n’étaient pas formés aux démarches, ou que, dans le cas des MSAP postales, le lieu était déclaré surtout dans le but d’obtenir des subventions”, analyse par ailleurs un conseiller de l’exécutif. Aujourd’hui, La Poste dit avoir fait siennes les critiques et jouer pleinement le jeu des France Services. “Cela veut dire qu’on la joue collectif et qu’on rejoint le mouvement en s’appliquant exactement et objectivement les mêmes critères d’éligibilité et d’activité”, décrypte Yannick Imbert, directeur des affaires territoriales de La Poste.

Cahier des charges

Désormais, ces critères d’éligibilité sont partie intégrante du processus de labellisation. “S’il ne fallait retenir qu’un changement entre les MSAP et les France Services, c’est bien le cahier des charges”, poursuit un acteur du dispositif. Ce cahier des charges, particulièrement précis et complet, contient une trentaine de critères de qualité dont plusieurs sont essentiels : un socle commun de services, la mise à disposition d’ordinateurs pour accéder aux démarches en ligne, la formation des agents “FS”, l’ouverture 24 heures et au moins 5 jours par semaine et surtout, la présence de 2 agents France Services au lieu d’un seul auparavant. C’est d’ailleurs le critère qui a le plus fait défaut aux candidats.

Parmi les structures prétendantes au label lors de la première vague, 60 % se sont vu déboutées par l’État faute d’un second équivalent temps plein. Mais selon l’ANCT, la prise en compte de ces critères progresse déjà fortement. Sur la première vague de labellisation, seules 500 candidatures sur un total de 750 avaient abouti à une labellisation, soit 66 %. Lors de la seconde vague de labellisation, concernant 321 espaces, ce taux est grimpé à 95 %. “Cela montre que nos critères et contraintes ont été pleinement intégrés par les porteurs de projet et les préfets”, veut croire Sophie Duval-Huwart. Ou plutôt, que les préfets de département ont préféré ne pas déposer de dossier immature, pour ne pas risquer de perdre en crédibilité. Ce sont d’ailleurs les préfets qui, dans la plupart des cas non validés lors de la seconde vague, ont choisi de retirer des dossiers avant même leur refus.

Car avant d’accorder le précieux label, l’ANCT fait conduire des audits par le cabinet Vitalis Consulting pour vérifier que les critères sont bien respectés par l’ensemble des structures candidates, et non un échantillon comme cela a pu être envisagé. L’objectif assumé est d’éviter de répéter la course à la quantité plutôt qu’à la qualité des MSAP. Il a d’ailleurs été acté, désormais, que le label pourra aussi être retiré si le niveau de service ne correspond finalement pas ou plus aux attentes.

La qualité et l’exhaustivité de l’offre de services est notamment au cœur de ces attentes. “France Services, ce n’est pas les 12 travaux d’Astérix : quand on y entre on n’en ressort pas avec plus de problèmes. On en ressort soit avec une solution fournie par l’agent, soit par un contact téléphonique du correspondant désigné par l’opérateur”, explique un acteur du dossier.

Socle minimum de services

Pour évaluer l’efficacité du dispositif et justifier son financement, un indicateur de suivi du “taux de réalisation des démarches sans redirection vers un opérateur du réseau France Services” a d’ailleurs été mis en place dans les documents préparatifs aux projets de loi de finances. L’objectif est d’atteindre les 90 % en 2021, contre 78 % aujourd’hui. Pour atteindre un tel niveau de service, le cahier des charges implique également désormais un renforcement de la présence des partenaires de France Services. Là où un conventionnement avec seulement 2 opérateurs suffisait à obtenir le tampon MSAP, les prétendants au label France Services sont désormais tenus de conventionner avec l’ensemble des partenaires du réseau : La Poste, les caisses nationales d’allocations familiales, de l’assurance maladie et de l’assurance vieillesse (Cnaf, Cnam et Cnav), la Mutualité sociale agricole, Pôle emploi et 3 ministères (Intérieur/ANTS, Justice et Finances publiques). Le minimum requis de seulement 2 des opérateurs a eu pour effet de contribuer à l’hétérogénéisation du niveau de service. Certaines MSAP pouvaient proposer un accompagnement large, au-delà même des seules démarches des opérateurs partenaires, quand d’autres se limitaient aux démarches de 2 opérateurs.

Ce changement dans la posture de l’État, désormais beaucoup plus prescriptive, n’est toutefois pas sans créer de nouvelles tensions. “Le dispositif des MSAP a permis de financer un travail que l’on réalisait déjà, alors que France Services, pour le même prix, rajoute une charge de travail assez conséquente”, résume un acteur historique des MSAP, qui craint de voir la palette des services, déjà élargie à 3 ministères, continuer de s’étoffer, comme c’est le cas avec l’arrivée cet automne d’un dixième partenaire : Agirc-Arrco. La Cour des comptes pointait d’ailleurs, dans son rapport sur les services publics territoriaux, un risque de “délestage des réseaux de services de l’État et des opérateurs” sur les MSAP.

Avec la reprise en main du dispositif par Emmanuel Macron dans l’objectif de montrer que l’État est de retour dans les territoires, “il y a eu un transfert de missions, mais aussi un changement dans les attentes des citoyens”, poursuit le même acteur. Les espaces France Services sont floqués de la Marianne et respectent tous la charte graphique du gouvernement. Résultat : “les usagers ne passent plus la porte avec leur dossier Pôle emploi en espérant que la structure leur apporte une aide supplémentaire, mais en s’attendant à ce que leur demande soit aussi bien traitée que s’ils étaient allés directement chez Pôle emploi”. C’est notamment pour limiter ces effets de bords et s’assurer que l’offre de services est la plus complète et efficace possible qu’un système de “back-office” a été mis en place. Non seulement les agents doivent obligatoirement être formés aux principales démarches des partenaires, mais ces derniers doivent de leur côté impérativement nommer un référent, que les agents France Services peuvent solliciter pour obtenir des réponses. Avec, là aussi, une grande hétérogénéité, non pas tellement en fonction des opérateurs, mais surtout des départements.

L’autre point différenciant de France Services par rapport aux MSAP réside dans l’ambition de mailler plus finement le territoire. Là où le Président Hollande s’était fixé un objectif de 1 000 MSAP, Emmanuel Macron en a voulu une par canton, notamment pour réduire la distance séparant chaque usager de son espace France Services, et pour passer sous la barre des 30 minutes de trajet. Au total, ce sont donc plus de 2 500 espaces France Services qui doivent voir le jour d’ici 2022. Un peu plus de 670 cantons, au sens de l’Insee, sont aujourd’hui couverts. Auxquels devraient, si tout se passe bien, s’en ajouter 570 autres où sont présentes des MSAP labellisables. Mais même ­ainsi, il restera 861 cantons à “conquérir”.

Dynamiques territoriales

Le rôle des préfets de département reste à ce titre crucial, car ce sont eux qui animent au plan local la remontée des dossiers de candidatures vers l’ANCT, l’identification des zones dépourvues de France Services et la coordination des acteurs pour l’émergence de nouvelles structures. Et si une centaine de France Services seront ouvertes dans des sous-préfectures, l’essentiel des structures devront éclore en dehors de leurs murs, portées par des collectivités, associations ou certains opérateurs. Charge donc à chaque préfet d’aller de l’avant pour favoriser l’émergence de nouvelles structures tout en “veillant à la bonne répartition de ces espaces sur son territoire”, explique Sophie Duval-Huwart, par exemple en proposant de fusionner 2 projets de 2 communes voisines, ou en signalant les zones isolées.

Ce travail ne peut être réalisé qu’à l’échelle locale, tant il dépend des dynamiques territoriales. “Dans chaque département, on retrouve des historiques et des partenariats différents, dit Sophie Duval-Huwart. Dans le Calvados, par exemple, une collaboration ancienne entre le département et les collectivités a fait que tous les points d’accès mutualisés « Point-infos 14 » sont portés conjointement par la commune et le département.” Ailleurs, les dynamiques locales reposent davantage sur des partenariats entre collectivités et associations. En 2020, sur les 854 France Services labellisées, seules 180 sont de nouvelles structures. C’est, selon l’ANCT, plus que la cible de 150 qu’elle s’était fixée. Mais c’est encore très insuffisant pour couvrir, comme promis, les 2 100 cantons de France.

856 espaces dans toute la France
Avec la dernière vague de 321 labellisations annoncée fin septembre, on dénombre en octobre 2020 exactement 856 espaces France Services répartis sur l’ensemble du territoire, sur un objectif, revu plusieurs fois à la hausse, de 2 500 France Services ouvertes en 2022. Parmi ces 856 entités, 544 sont portées par des collectivités, 153 par des associations et notamment les points d’information médiation multisservices (Pimms), 131 par La Poste, 17 par la Mutuelle sociale agricole (MSA) et 11 directement par l’État dans des sous-préfectures.

Des bus France Services pour sillonner le territoire
Pour resserrer le maillage territorial de France Services, le gouvernement entend aussi mettre l’accent sur les “bus France Services”. Ces derniers répondent exactement au même cahier des charges que les structures fixes, mais présentent l’avantage d’être mobiles et donc “d’augmenter la zone de traction au-delà des 15 à 20 kilomètres habituels”, souligne Nicolas Turcat, chargé de l’inclusion numérique et du programme France Services à la Banque des territoires. Et ce en particulier dans les zones très rurales et les quartiers prioritaires de politique de la ville (QPV). La Caisse des dépôts et consignations a d’ailleurs organisé cet été un appel à manifestations d’intérêt pour créer 30 nouveaux bus France Services spécifiquement dans les QPV et quartiers de reconquête républicaine. Chaque projet recevra, en plus de la dotation de 30 000 euros du label, un soutien de 60 000 euros pour l’acquisition du véhicule. Ces nouveaux bus s’ajouteront aux 19 déjà en circulation, sur un objectif fixé de 100 bus d’ici 2022.

Vers un “numéro France Services”
Pas question de faire appel à un plateau téléphonique déconnecté des usagers. Pour remplacer la plate-forme Solidarité-numérique.fr, née pendant le confinement pour conseiller les citoyens en détresse face au numérique, le gouvernement a acté la mise en place d’un “numéro France Services”. En l’appelant, l’usager renseignera son code postal pour être mis en relation avec un agent de son espace France Services le plus proche, qui traitera sa demande ou proposera de prendre un rendez-vous si la complexité du dossier l’exige. La décision de remplacer Solidarité-numérique.fr par ce numéro a été prise sur la base d’un double constat. D’une part, son fonctionnement reposait largement sur le bénévolat des aidants. Et d’autre part, l’ANCT s’est rendu compte que “plus de 60 % des sollicitations de Solidarité-numérique.fr concernaient des démarches administratives”, bien que la plate-forme couvre un large éventail d’usages sur Internet (faire ses courses, s’informer, communiquer avec ses proches…).

Article Acteurs Publics du 30 novembre 2020

Article publié le 2 décembre 2020.


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