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Des outils numériques pour optimiser le recrutement des contractuels

Alors que la fonction publique connaît une crise d’attractivité depuis plusieurs années, l’État se voit contraint d’adapter ses méthodes de recrutement pour cibler et embaucher des contractuels. Du développement d’une marque employeur à l’utilisation d’outils de sourcing et de scoring des candidats, le secteur public emprunte désormais des pratiques au privé. Troisième volet de notre dossier consacré aux systèmes d’Information de ressources humaines de l’État.

Salaires jugés trop bas, nouvelles aspirations des jeunes générations… L’attractivité de la fonction publique est en berne depuis plusieurs années. Un jeune sur 10 seulement se déclarait intéressé par un emploi dans la fonction publique, selon la dernière édition du rapport annuel sur l’état de la fonction publique, réalisé par la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP). « Ce vivier de jeunes motivés est moitié moindre que la place de l’emploi public sur le marché du travail », souligne le rapport. « Le manque d’attractivité de la fonction publique n’est pas uniquement lié à une question de rémunération : il y a un vrai aspect générationnel, affirme Gilles Deltheil, sous-directeur du recrutement et de l’accompagnement professionnel à la direction des ressources humaines du ministère des Armées. La jeune génération ne s’inscrit pas nécessairement dans une logique de carrière longue. Dès leur entrée dans la vie active, les jeunes souhaitent acquérir plusieurs expériences auprès de différents employeurs. Cette première expérience au sein du ministère des Armées est ainsi acquise sous contrat, en particulier dans certains métiers concurrentiels avec le privé. »

Fin 2019, comme les années précédentes, la fonction publique a enregistré une augmentation de la part des contractuels, qui atteint désormais 20 % de ses effectifs (+0,8 point par rapport à fin 2018) et une baisse de la même ampleur ( 0,7 point) de la part des fonctionnaires, qui s’établit à 68,1 %, selon le rapport 2021 de la DGAFP. Face à cette tendance durable, l’État a adopté la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique pour faciliter le recrutement d’agents contractuels et leur permettre notamment d’accéder aux emplois de direction. La DGAFP a ensuite lancé, en janvier 2020, un plan d’action interministériel visant à renforcer et à professionnaliser la fonction recrutement. « Ce développement du recours au contrat induit une gestion beaucoup plus individualisée des recrutements et l’acquisition de nouveaux savoir faire dans les directions des ressources humaines de la fonction publique », écrit la DRH de l’État.

Bâtir une « marque État employeur »

Première étape pour séduire de nouvelles recrues : élaborer une « marque État employeur » pour gagner en attractivité. Cela a induit un travail de fond sur la visibilité des offres d’emplois afin de faire connaître la variété des métiers de la fonction publique. L’État a donc lancé, en février 2019, le site « Place de l’emploi public » (PEP), permettant de publier sur une plate-forme unique les offres d’emploi des trois versants de la fonction publique. Des partenariats ont aussi été noués avec Pôle emploi et l’Apec pour diffuser sur leurs sites les offres d’emploi pertinentes de la PEP afin de diversifier les profils potentiels.

Au total, près de 40 000 offres d’emploi sont proposées en permanence et près de 200 000 personnes sont inscrites sur la PEP dans le cadre d’une recherche d’emploi ou d’une mobilité interne. « Nous allons progressivement monter en puissance sur l’analyse des données récoltées jusqu’à présent via la PEP et demain via “Choisir le service public”*, affirme Nicolas de Saussure, chef du service du pilotage des politiques des ressources humaines à la DGAFP. Selon les offres de postes, cela peut nous permettre d’enrichir l’analyse des métiers (contrairement aux données SIRH qui sont aujourd’hui lacunaires sur les métiers) sur lesquels il est plus difficile de recruter, par exemple dans les territoires souffrant d’un plus fort déficit d’attractivité. » À terme, la DGAFP envisage également de développer une offre de matching d’emplois. « Les données renseignées par les candidats dans leur espace personnel, et analysées dans le respect du RGPD (le Règlement général sur la protection des données), nous permettent d’avoir une meilleure connaissance de leurs attentes quant aux métiers qui sont les plus recherchés. Nous pouvons imaginer développer un outil pour proposer des offres aux candidats en adéquation avec leur profil et leurs dernières recherches », avance Cécile Roucheyrolle, adjointe au chef du bureau « Gestion prévisionnelle, filières métiers et accompagnement professionnel » à la DGAFP.

Repérage de candidats sur les réseaux sociaux

Au-delà de ses efforts de communication externe, l’État souhaite s’outiller pour repérer et sélectionner les candidats. Le plan d’action interministériel de la DGAFP prévoit d’ailleurs d’adopter une « définition partagée d’une méthode de sourcing des compétences attendues ». « Le sourcing pouvait paraître encore très loin de nos pratiques RH il y a quelques années. Mais diffuser l’information à l’extérieur via des offres d’emploi ne suffit pas. Il faut être proactifs pour aller chercher les talents là où ils se trouvent », juge Nicolas de Saussure.

C’est le cas du ministère des Armées. « Il y a dix ans, le recrutement de contractuels était marginal au sein de notre ministère. Si la grande majorité des emplois sont toujours tenus par des fonctionnaires et des ouvriers de l’État, il s’agit désormais d’un mode de recrutement d’une ampleur équivalente au recrutement par concours – près d’un tiers des nouveaux recrutements. Cela nous a obligés à nous professionnaliser et à changer nos méthodes RH de recrutement pour attirer cette population et mieux cibler les candidats », détaille Gilles Deltheil. Pour certains métiers très techniques, le ministère peine à recruter des personnels civils fonctionnaires. « Nous recherchons parfois des compétences pointues, où malheureusement les formations de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur et les concours ne nous fournissent pas un vivier suffisant au regard des besoins », poursuit le sous-directeur.

Le ministère a donc créé une « cellule e-sourcing » dès 2017 pour la recherche de profils très spécialisés ou des besoins urgents de recrutement. « Nous avons transposé les techniques RH qui existent dans les cabinets de recrutement du privé pour aller chercher les profils atypiques sur les réseaux sociaux, explique Marianne Nabaloum, cheffe du bureau du recrutement et du marketing des civils de la défense au ministère des Armées. D’ailleurs, cette cellule est composée majoritairement d’agents recrutés sous contrat, ayant une expertise en matière de techniques de recrutement acquise dans le secteur privé. » La cellule a accès aux viviers de C.V. des réseaux sociaux et sites professionnels, tels que LinkedIn, Indeed, Pôle emploi... De quoi définir des associations de mots-clés et réaliser des analyses sémantiques automatisées de compétences à détecter dans un C.V. en ligne. « Nous espérons pouvoir nous diversifier courant 2022 sur les réseaux sociaux, comme TikTok ou Snapchat, précise Marianne Nabaloum. L’objectif est d’aller à la recherche de nouveaux publics, qui ne sont pas forcément à la recherche immédiate d’un emploi, mais qui peuvent être sensibles aux missions du ministère. »

Cette aide au ciblage a permis au ministère de réduire drastiquement le temps de recrutement d’un contractuel. « La durée de recrutement reste très variable selon les postes. Auparavant, cela pouvait prendre un à deux ans pour embaucher un contractuel – un temps pendant lequel le poste restait vacant. Grâce à la cellule e-sourcing, il nous faut désormais quatre à cinq mois en moyenne », chiffre Marianne Nabaloum. Une réactivité qui vise à renforcer l’attractivité du ministère, estime Gilles Deltheil : « Recruter rapidement est devenu un impératif : il faut éviter qu’un profil très convoité sur le marché de l’emploi ne choisisse un autre employeur à cause de la lourdeur du processus RH de recrutement. »

Le scoring, ou comment évaluer avant d’embaucher

Le recours à un outil de ciblage peut aussi être utile pour gérer une volumétrie de candidatures très importante. C’est dans ce cas de figure que le ministère de l’Éducation nationale réalise un appel d’offres sur le sujet pour une mise en service d’ici 2023. « L’outil aura vocation à recueillir l’ensemble des candidatures, à réaliser une préanalyse automatisée des C.V. et à assurer une traçabilité de l’ensemble du processus de recrutement – de la réception de la candidature jusqu’à l’embauche, explique Emmanuel Spinat, directeur du service de modernisation des systèmes d’information des ressources humaines au sein du ministère de l’Éducation nationale. Lorsqu’il s’agit de traiter un grand nombre de candidatures, cela pourra indéniablement faire gagner du temps. Cela peut aussi éviter de louper certains profils car l’outil devrait nous permettre de réaliser dans analyses qualitatives. »

Au-delà du sourcing de compétences, il est possible d’affiner encore davantage le profilage des candidats grâce au scoring. L’objectif : s’assurer qu’un candidat potentiel remplisse les différents critères exigés et estimer sa fiabilité à rester sur la durée du contrat. Recruter un candidat est un processus très coûteux, surtout s’il s’en va au bout de quelques mois seulement… Le scoring, qui est une méthodologie de data science, permet de réduire ce risque. L’outil va par exemple analyser les données de précédents recrutements : quels profils ont été recrutés, qui est resté jusqu’à la fin de la formation, etc. Objectif : présenter un panel de candidats potentiels le plus à même de répondre aux besoins des recruteurs.

Pour autant, recruter doit rester un processus humain, martèle la DGAFP. « Le recours à des nouvelles technologies, comme l’intelligence artificielle, peut être pertinent selon les cas d’usage pour aider à la décision. Mais cela ne doit pas se substituer à l’appréciation par le recruteur, tempère Nicolas de Saussure. En tant qu’employeur public, l’administration devra toujours offrir une égalité de traitement à toutes les candidatures et s’assurer qu’il n’y ait aucun biais discriminatoire. »

Article Acteurs Publics du 28 avril 2022

Article publié le 29 avril 2022.


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