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Alors que le gouvernement Barnier souhaite augmenter le nombre de jours de carence des agents publics, l’Insee a plusieurs fois, au cours des dernières années, pointé une efficacité mitigée de ce dispositif dans la fonction publique. La Cour des comptes, de son côté, a récemment appelé à ne pas se limiter à des mesures d’incitation ou de pénalisation financière pour réduire l’absentéisme.
Le gouvernement Barnier vient de l’annoncer : il veut augmenter de 1 à 3 le nombre de jours de carence dans la fonction publique. Un amendement en ce sens va ainsi être déposé au projet de loi de finances (PLF) pour 2025. Objectif visé par l’exécutif : faire des économies en ciblant notamment les arrêts de courte durée. Reste que l’efficacité de ce jour de carence a souvent été mis en doute.
Certes, le rétablissement d’un jour de carence en 2018 a contribué à réduire le microabsentéisme. Le nombre d’absences de longue durée, quant à lui, a augmenté, comme l’a indiqué à plusieurs reprises l’Insee. Selon l’institut de statistiques, le jour de carence a effectivement fait baisser les courts arrêts maladie des agents publics, mais pas les longs.
La dernière étude de l’Insee sur le sujet remonte à juillet dernier. L’institut avait alors publié une note sur les effets du rétablissement du jour de carence spécifiquement quant aux absences pour maladie des personnels de l’éducation nationale. Une étude dont les conclusions valent, selon l’Insee, pour une bonne partie de la fonction publique.
Efficacité mise en doute par l’Insee
Chez les personnels de l’éducation, le rétablissement du jour de carence en 2018 a ainsi entraîné une diminution de la fréquence des arrêts maladie et a fait baisser de 5 % le nombre cumulé de jours d’absence pour maladie ordinaire. “Cet écart s’explique par la diminution forte et significative de l’effet du jour de carence sur le nombre d’arrêts avec la durée de l’arrêt maladie”, explique l’Insee.
Ainsi, cet effet est estimé à - 44 % pour les épisodes d’un jour, de - 26 % pour les épisodes de deux jours, de - 25 % pour les épisodes de trois jours, de - 12 % pour les épisodes de quatre à sept jours, de - 4 % pour les épisodes de huit à quatorze jours et de - 1 % pour les épisodes de quinze jours à trois mois.
Selon l’institut, ces estimations “confirment les prédictions théoriques et les résultats de la littérature empirique qui suggèrent que l’effet de ce type d’incitation diminue avec la durée de l’absence”. Un constat que l’Insee avait déjà établi dans des études de 2017 et de 2023 : il estimait alors que l’effet du jour de carence décroissait avec la durée de l’absence.
Personnes malades encouragées à aller travailler
Dans sa dernière étude, l’institut expliquait surtout que l’augmentation du nombre des jours travaillés à la suite de l’application du jour de carence “ne traduit pas nécessairement une réduction des absences qui seraient injustifiées”, mais aussi que ce jour de carence “peut encourager les personnes malades à travailler”.
Son application, insistait l’Insee, peut ainsi être “susceptible d’encourager les personnes malades à poursuivre leur activité professionnelle” pour éviter d’être impactées financièrement. Une situation qui pourrait “entraîner une détérioration de l’état de santé ainsi qu’une hausse des dépenses publiques associées”, était-il écrit dans la note.
Dans ses différentes études, l’institut mettait également en avant les effets “hétérogènes” du jour de carence selon le profil des agents publics. “L’application du jour de carence pénalise davantage financièrement les catégories de la population qui s’absentent le plus fréquemment pour cause de maladie ordinaire”, explique-t-il. Trois catégories d’agents seraient ainsi particulièrement pénalisées par le jour de carence : les femmes, les personnels les moins qualifiés et ceux exerçant en éducation prioritaire.
Contrôles renforcés, accent mis sur la prévention
L’Insee n’est pas le seul organisme à avoir mis en doute l’efficacité du jour de carence dans la fonction publique. Dans un rapport de 2021 sur la rémunération des agents publics en arrêt maladie, la Cour des comptes avait relevé le manque de "consensus" sur le sujet. Surtout, les magistrats n’y préconisaient pas les mêmes mesures que le gouvernement Barnier souhaite aujourd’hui mettre en place et notamment le relèvement du nombre de jours de carence. Au contraire, la Rue Cambon misait davantage sur un renforcement du contrôle des arrêts maladie, mais aussi sur des mesures de prévention comme la vaccination.
Les mesures de responsabilisation financière des agents et de meilleure organisation des contrôles “ne sauraient suffire à infléchir la tendance actuelle des absences”, expliquait en effet la Cour des comptes. “La responsabilisation managériale des cadres publics est également déterminante tout comme celle des professionnels de santé” ainsi que le renforcement des actions de prévention, ajoutaient les magistrats.
Il n’en demeurait pas moins que la Cour appelait à “activer” – voire réactiver – des dispositifs d’incitation financière “en complément” des dispositifs existants, et notamment le jour de carence. En ce sens, elle recommandait notamment de recourir à la modulation indemnitaire lorsque la fréquence des arrêts maladie est “trop élevée” ou les justificatifs infondés. La Rue Cambon recommandait également de faire cesser certaines pratiques (non quantifiables) employées par des employeurs publics pour limiter les effets du jour de carence. L’institution cite le cas de chefs de service qui accorderaient, à la demande des agents, des congés a posteriori en lieu et place d’un congé maladie, mais aussi d’agents qui poseraient des jours de congés ou de RTT plutôt qu’un arrêt de courte durée.
Article Acteurs Publics du 29 octobre 2024
Article publié le 31 octobre 2024.