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Qualité, coût : un rapport parlementaire appelle à évaluer le recours à l’emploi contractuel dans la fonction publique

Le développement continu du recours aux contractuels est “susceptible de poser des difficultés et d’affecter la qualité du service public”, souligne la députée socialiste Céline Thiébault‑Martinez dans un rapport annexé au budget. Ces défis étant mal “appréhendés” par les administrations, elle appelle à mener une “réflexion” sur “l’avenir” de la fonction publique en envisageant notamment le contrat comme un “point d’entrée”. Pour la députée, il y a également urgence à évaluer le coût budgétaire du recours à l’emploi contractuel.

Le dernier rapport annuel sur l’état de la fonction publique vient de confirmer la tendance observée depuis plusieurs années : le poids des contractuels a encore augmenté. Leur part dans l’ensemble de l’emploi public atteignait ainsi 23 % fin 2023, soit 1 point de plus qu’en 2022. Une évolution à mettre en parallèle notamment de l’élargissement récent des possibilités de recours aux contractuels, au travers en particulier de la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019.

L’augmentation tendancielle du nombre de contractuels constitue dès lors une “caractéristique majeure de l’emploi public en France”, explique la députée socialiste Céline Thiébault‑Martinez dans son rapport annexé au projet de loi de finances (PLF) pour 2026 en tant que rapporteur de la commission des lois sur les crédits de la mission “Transformation et Fonctions publiques”. Dans ce rapport présenté ce lundi 27 octobre, elle y dresse donc un état des lieux du recours accru aux contractuels, mais où elle cherche aussi à “en comprendre les causes profondes” et “en mesurer les effets sur la qualité de nos services publics”.

Le recours au contrat “ne peut constituer qu’un palliatif aux difficultés de recrutement de la fonction publique, et ne constitue pas une réponse structurelle à la question de l’attractivité”, souligne notamment la députée. Surtout, à ses yeux, le développement continu du recours aux contractuels est “susceptible de poser des difficultés et d’affecter la qualité du service public”. “Malgré leur caractère structurant, cette évaluation paraît toutefois insuffisamment appréhendée par les administrations, laissant la fonction publique à la croisée des chemins”, ajoute‑t‑elle.

Une rotation des effectifs qui peut affecter la qualité du service public

Certes, reconnaît Céline Thiébault‑Martinez, la possibilité de recourir à l’emploi contractuel “constitue une souplesse de gestion pour l’administration et lui permet de répondre à certains besoins”. Mais, poursuit‑elle effectivement, sa forte augmentation “pose de multiples défis, qui paraissent encore mal appréhendés par les administrations”. Dans son viseur notamment : la rotation élevée des effectifs et des impacts potentiels sur la qualité du service public. Et ce, en raison donc du recours accru aux contractuels et en particulier d’agents en contrats à durée déterminée (CDD).

“Ce recours accru à des agents contractuels engagés sur des contrats de durée limitée peut induire une forme d’instabilité qui fragilise le maintien des compétences au sein de la fonction publique, détaille‑t‑elle. Chaque départ nécessite l’organisation d’un nouveau processus de recrutement et d’adaptation de la personne recrutée, ce qui mobilise du temps et des moyens.”

Pour la parlementaire, le recrutement de contractuels pose aussi “la question de la connaissance du fonctionnement des services publics et des principes déontologiques”. L’occasion pour elle de pointer la problématique “encore insuffisamment considérée” de la formation de ces contractuels au moment de leur entrée dans la fonction publique. “Trop souvent, les nouveaux agents contractuels ne bénéficient d’aucune formation aux principes et aux valeurs du service public et de la fonction publique, ni même d’une présentation sommaire”, développe‑t‑elle.

Cohésion des équipes en question

Quant aux règles applicables en matière de carrière et de rémunération, celles‑ci diffèrent entre fonctionnaires et contractuels. Les droits et les garanties bénéficiant aux contractuels ont toutefois été progressivement étendus. “Il en découle une forme de convergence entre les règles applicables aux agents publics, qu’ils soient titulaires ou non”, explique la députée.

Malgré cette tendance à une forme de rapprochement des conditions d’emploi entre fonctionnaires et contractuels, Céline Thiébault‑Martinez constate néanmoins la persistance de différences dans le niveau des rémunérations au désavantage des contractuels. Ces différences, estime‑t‑elle, “sont susceptibles d’affecter la cohésion des équipes et n’encouragent pas la fidélisation des agents contractuels”. “Elles risquent, au contraire, d’aggraver encore les problèmes d’attractivité que connaît actuellement la fonction publique”, juge même la parlementaire.

Pour Céline Thiébault‑Martinez, surtout, ces multiples difficultés “ne feront que s’accentuer” si la tendance de recours aux contractuels se confirme. Selon ses estimations, si le nombre d’agents contractuels continue à croître au même rythme que pendant la période récente, la part d’agents sous contrat pourrait dès lors atteindre 30 % des effectifs totaux de la fonction publique à la fin de l’année 2031.

Le contrat comme “point d’entrée” dans la fonction publique

La fonction publique “dérivant vers un système toujours plus dual”, la rapporteure appelle ainsi à “mener une réflexion sur ce que doit être la fonction publique de demain” au regard de la place de plus en plus importante prise par l’emploi contractuel. Elle propose d’articuler cette réflexion autour de trois “axes” à commencer par “l’accompagnement de l’évolution des pratiques de recrutement en envisageant le contrat comme un point d’entrée dans la fonction publique”. Charge ensuite à l’administration “de fidéliser l’agent contractuel et de l’encourager à évoluer vers une titularisation”.

Selon elle, le recrutement d’agents titulaires doit en effet “rester le principe” et le recours aux contractuels “l’exception”. Actuellement, les contractuels peuvent passer les concours internes de la fonction publique. Les conditions d’admission à ces concours ont d’ailleurs récemment évolué dans un sens favorable aux contractuels avec une meilleure prise en compte de leur ancienneté.

“Ces évolutions vont dans le bon sens et pourraient être complétées par l’octroi de garanties supplémentaires destinées à inciter les agents contractuels à présenter les concours internes, telles que le maintien de l’agent contractuel ayant réussi un concours sur son poste en première affectation”, indique Céline Thiébault‑Martinez en recommandant aussi de “repenser les modalités des concours et les adapter pour en renforcer l’attractivité”.

Un coût à évaluer

Pour la députée, il y a également urgence à réellement évaluer le coût budgétaire du recours à l’emploi contractuel. Ce coût, explique‑t‑elle, ne se résume en effet pas à la somme des rémunérations des agents contractuels. “S’y ajoutent les cotisations sociales, ainsi que les coûts directs et indirects associés au recrutement, à la rotation des personnels et à leur formation initiale, mais également à leur gestion quotidienne ainsi qu’à leur sortie de la fonction publique”, est‑il écrit dans son rapport.

“En effet”, développe la députée, “alors que le coût du recrutement d’un fonctionnaire se limite à celui de l’organisation du concours et, lorsqu’il intègre une école de service public, de sa formation initiale, et que sa gestion est ensuite en grande partie déterminée par les règles statutaires du corps ou du cadre d’emplois auquel il appartient, la gestion administrative des contractuels paraît plus lourde et plus complexe, en raison de la rotation rapide des effectifs et du nombre d’opérations à réaliser (publication de la fiche de poste, gestion des plateformes destinées à recueillir les candidatures, traitement des candidatures, entretien avec les candidats, établissement du contrat, renouvellement ou résiliation éventuels…)”.

Reste qu’un tel travail d’estimation du coût de recrutement d’un contractuel n’a pas encore été conduit à grande échelle. La comparaison du coût du recours à l’emploi contractuel par rapport à l’emploi titulaire, par filière et par métier, est pourtant “nécessaire pour pouvoir anticiper sérieusement l’avenir”, estime Céline Thiébault‑Martinez.
Le coût d’un enseignant titulaire est “nettement inférieur” à celui d’un enseignant contractuel

Auditionné par la députée Céline Thiébault‑Martinez, le directeur général de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) et ancien directeur général des ressources humaines (DGRH) du ministère de l’Éducation nationale Boris Melmoux‑Eudes a indiqué que le coût du recrutement d’un enseignant titulaire était “nettement inférieur” à celui d’un enseignant contractuel. Et ce, “dans des proportions pouvant varier d’un à cinq”. “En effet”, explique la députée , “même si l’organisation d’un concours peut paraître coûteuse, le nombre élevé de candidats permet de répartir la dépense, alors que les coûts associés à la recherche et à l’embauche des enseignants contractuels empêchent la réalisation d’économies d’échelle.”

Article Acteurs Publics du 28 octobre 2025

Article publié le 30 octobre 2025.


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