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En cette rentrée, et alors que la menace de nouveaux jours de carence plane sur les fonctionnaires, la Mutualité fonction publique (MFP), par la voix de son président, Serge Brichet, regrette que les causes profondes de l’absentéisme des fonctionnaires ne soient pas davantage investiguées.
Quel regard portez-vous sur la gestion de l’absentéisme dans la fonction publique ?
On observe déjà que le sujet revient régulièrement comme un marronnier et qu’à chaque fois, les solutions qui sont proposées pour lutter contre le phénomène sont uniquement punitives et financières. Pourtant, depuis de nombreuses années, nous pensons que l’absentéisme au travail dans les 3 versants de la fonction publique est aussi lié à toute une série de causes auxquelles il faudrait s’attaquer de manière prioritaire.
Et quelles sont ces causes, selon vous ?
Il nous semble que, dans l’époque que nous vivons, il est essentiel de réitérer certains arguments. Et inlassablement, nous rappellerons que l’une des réponses pertinentes à l’absentéisme des agents publics reste un travail sur l’organisation du travail, une réflexion autour de la prévention et de l’accompagnement des agents. Les agents publics sont nombreux à souffrir de maladies en lien avec leur travail. Une situation que l’on peut imputer à d’importantes contraintes horaires ou à des horaires atypiques, à des risques de violences, notamment dans le contexte de contacts avec le public, mais aussi à l’essor des risques psycho-sociaux sur certaines fonctions. Ce sont des facteurs propices à fragiliser les agents.
Dans ce contexte, quel rôle la médecine du travail peut-elle jouer ?
Sans remettre en cause de quelque manière que ce soit les professionnels de ces services, je dois avouer que je suis toujours atterré par la faiblesse de la médecine du travail. Le manque de moyens, qui peut être réel, peut aussi faire partie des priorités à dégager pour lutter contre l’absentéisme. C’est, selon moi, un angle intéressant. Il ne faut pas oublier que, dans l’immense majorité des cas, un agent qui se met en arrêt maladie ne le fait jamais par plaisir et les sanctions peuvent être rudes. Dans le cadre des arrêts maladie un peu longs, le salaire est amputé, et cela contribue à fragiliser encore davantage des agents déjà fragilisés par la maladie.
Quels effets les jours de carence ont-ils sur les arrêts maladie des agents publics ?
En matière d’absentéisme, on observe que les mesures d’ordre pécuniaire sont souvent limitées. La présence de jours de carence réduit les arrêts de courte durée, mais elle allonge ceux de longue durée. Le problème est que l’on vient toujours chercher les recettes les plus simples en augmentant le nombre de jours de carence au prétexte que ces dispositifs existent dans le secteur privé. Mais c’est oublier que le secteur privé propose aussi un certain nombre de dispositifs qui viennent compenser ces pertes, notamment par le biais des conventions collectives.
Revenons sur le sujet de la prévention. Pourquoi est-elle si peu développée, selon vous ?
C’est le parent pauvre de la médecine du travail et aussi le parent pauvre des réponses que l’on peut apporter à des situations de fragilité. Nous sommes en pleine réflexion autour de la protection sociale complémentaire dans la fonction publique et nous avons fait de belles avancées, mais aucun financement n’est prévu pour aborder un véritable virage préventif.
Comment expliquer cette situation ?
Il y a certes un manque de moyens, mais aussi, quelque part, un manque de convictions. Comme dit l’adage, mieux vaut prévenir que guérir, mais ce n’est pas encore le cas dans les actes. La difficulté avec la prévention, c’est que l’on ne voit jamais les résultats immédiatement et ce décalage dans le temps peut paraître contradictoire avec des politiques qui, en termes de communication, doivent être rapides.
Est-ce un phénomène franco-français ?
Oui, cela tient peut-être à notre culture et certains de nos voisins font peut-être mieux que nous, mais ce qui m’interroge, voire me choque, c’est aussi de voir que quand un agent public est malade, c’est aussi un service public qui est malade. Ne pas lui donner rapidement les moyens de reprendre son travail, c’est la double peine pour l’agent et pour le service public lui-même.
Quelle serait la bonne formule, selon vous ?
Il s’agirait d’apporter une réponse globale à cette question de l’absentéisme et pas uniquement une réponse financière. Si les absences sont plus nombreuses dans les fonctions publiques territoriale et hospitalière, cela tient bien aux conditions de travail et d’exercice des métiers qui sont difficiles et qui usent les agents. À ce faisceau de causes, il conviendrait d’apporter un faisceau de réponses et en aucun cas en passant uniquement par la sanction. La sanction financière ne démontre pas son efficacité, car cela cache une vision court-termiste alors qu’en matière de santé au travail et de prévention, il est indispensable de penser les choses sur le long terme.
Article Acteurs Publics du 4 octobre 2025
Article publié le 7 octobre 2024.