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“Shutdown” ? Pas de scénario catastrophe en vue pour les paies des fonctionnaires

Des macronistes ont brandi la menace d’un shutdown à la française, pouvant se traduire par un blocage des institutions et du versement des salaires des agents publics en cas de censure du gouvernement et de rejet du budget 2025. Un scénario improbable au vu de la panoplie d’outils offerts par la Constitution et la Lolf pour assurer la continuité de l’État.

Les fonctionnaires continueront-ils à être payés ? La question a commencé à agiter la sphère politique à mesure que la menace d’une motion de censure se fait de plus en plus grande sur le Premier ministre, Michel Barnier. Des membres de l’exécutif ont en effet brandi la possibilité d’un shutdown à la française, avec à la clé un blocage des institutions et du versement des salaires des agents publics en cas de censure du gouvernement – si celui-ci a, comme c’est probable, recours au “49.3” – et de rejet du budget 2025. La porte-parole du gouvernement, Maud Bregeon, a ainsi notamment évoqué un “scénario à la grecque”, dans lequel les fonctionnaires ne seraient pas payés au mois de janvier. Cette perspective catastrophiste reste néanmoins improbable.

Le Premier ministre l’a d’ailleurs confirmé, mardi 26 novembre sur TF1, même s’il a aussi mis en garde contre le risque de “turbulences graves sur les marchés financiers” en cas d’adoption d’une motion de censure : “Si le gouvernement tombait, des mesures d’urgence seraient prises” notamment pour que les fonctionnaires continuent à être payés.

Garanties constitutionnelles

L’intervention du chef du gouvernement faisait suite à des propos de la présidente du groupe RN à l’Assemblée nationale, Marine Le Pen, qui a accusé la macronie de diffuser des “fausses informations” quant au risque de blocage du pays en cas d’absence de vote d’un budget. “Il n’existe dans nos institutions aucun risque de shutdown, a-t-elle en effet affirmé dans une tribune publiée dans Le Figaro. Même en cas de censure, l’impôt sera levé, les fonctionnaires payés, les pensions versées et les soins médicaux remboursés.”

Sur Sud Radio, la présidente Renaissance de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, a elle aussi réfuté tout “scénario catastrophe” : “J’entends tout et souvent n’importe quoi. Nos textes sont bien faits, notre Constitution et nos règles sont là, donc pas de catastrophe annoncée, pas de shutdown à l’américaine.”

Une loi spéciale pour reconduire les crédits

La Constitution de 1958 comme la loi organique relative aux lois de finances (Lolf) offrent en effet plusieurs solutions juridiques pour assurer la continuité budgétaire de l’État. En cas de censure, le gouvernement pourrait aussi déposer, au titre des “affaires courantes”, un projet de loi spéciale l’autorisant à percevoir les impôts existants jusqu’au vote de la nouvelle loi de finances.

Si cette loi était adoptée par le Parlement, le gouvernement pourrait ensuite prendre des décrets “ouvrant les crédits applicables aux seuls services votés”, avec notamment une reconduction des crédits de l’année 2024. Cette reconduction permettrait de continuer à payer les fonctionnaires. Mais encore faudrait-il que celle-ci soit adoptée par les parlementaires. Peu de chances que ceux-ci s’y opposent au risque d’aboutir, cette fois, à un véritable blocage du pays. Des responsables du RN et de LFI ont d’ailleurs déjà indiqué qu’ils voteraient une telle “loi spéciale” si le gouvernement en présentait une.

Un recours aux ordonnances ?

Un autre outil pourrait aussi être utilisé par le gouvernement, celui des ordonnances. Le recours à ce mécanisme s’annonce toutefois compliqué. Certes, l’article 47 de la Constitution permet au gouvernement de mettre en vigueur les dispositions budgétaires par ordonnances “si le Parlement ne s’est pas prononcé dans un délai de 70 jours” sur le projet de loi de finances (PLF), en l’occurrence d’ici le 21 décembre prochain. Mais “sauf à imaginer une interprétation extensive, et discutable, du verbe pronominal « se prononcer », le refus formel du projet ne devrait pas permettre cette possibilité”, explique le professeur de droit public Alexandre Guigue dans un billet de blog publié sur Jus Politicum. À ses yeux, il reviendrait toutefois au Conseil d’État de “trancher la question (si) de telles ordonnances venaient à être contestées”.

“Un Premier ministre, ou le Président lui-même, pourraient-ils alors envisager des ordonnances ou des décrets sur le fondement du principe de la continuité de la vie nationale ?” questionne l’universitaire en rappelant que l’article 5 de la Constitution prévoit bien que le président de la République doit “assurer la continuité de l’État”. “Cela pourrait constituer un fondement, au même titre que la jurisprudence du Conseil constitutionnel”, poursuit Alexandre Guigue, en citant une décision de décembre 1979 par laquelle les juges constitutionnels avaient affirmé qu’“il appartenait, de toute évidence, au Parlement et au Gouvernement, dans la sphère de leurs compétences respectives, de prendre toutes les mesures d’ordre financier nécessaires pour assurer la continuité de la vie nationale”.

Par cette décision, la Rue de Montpensier avait validé, au nom, donc, de la continuité de l’État, la loi soumise en urgence par le gouvernement de Raymond Barre pour prolonger l’exercice budgétaire précédent. Cette “loi spéciale” faisait suite à l’annulation par ce même Conseil constitutionnel de la loi de finances pour 1980 pour des raisons de procédure. Les députés socialistes reprochaient au gouvernement Barre d’avoir examiné la deuxième partie du texte, celle sur les dépenses, avant sa première partie, celle sur les recettes. Après l’adoption de cette loi spéciale, le gouvernement Barre avait présenté un nouveau budget pour 1980, adopté en janvier de la même année par le Parlement.

Article Acteurs Publics du 27 novembre 2024

Article publié le 28 novembre 2024.


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