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Comment des millions de salariés se sont retrouvés au Smic ?

Quels sont les mécanismes ? Comment en sortir ? Voici quelques éléments de réponses...
Dans son discours de politique générale du 30 janvier 2024 le Premier ministre a affirmé vouloir « désmicardiser » la France en précisant que « beaucoup [de salarié·es] sont condamnés à rester proches du Smic toute leur carrière ». 
 

1. Que signifie la « smicardisation » de la France ?
Ces deux dernières années, le nombre de travailleurs dont le salaire se situe au niveau du Smic est en augmentation en France. 
La part de salariés au Smic est passée de 12 % en 2021 à 17,3 % en 2023. Plus de 3 millions de personnes sont désormais payées au niveau du Smic. 
Cela correspond à une hausse de plus d’1 million de travailleurs au Smic en deux ans.
Cette augmentation résulte du fait que les salaires situés justes au-dessus du Smic se sont fait rattraper par le Smic qui augmente automatiquement avec l’inflation. 
En effet, seul le Smic est indexé sur l’inflation, pas le reste de la grille de salaires. En plus de ne pas prévoir d’indexation automatique de l’ensemble des salaires sur les prix, la loi interdit de la prévoir par la négociation.
Pour corriger ce phénomène, le Premier ministre a annoncé vouloir « réformer ce système ». 
Sa solution viserait à amoindrir l’indexation automatique du Smic sur l’inflation. Mais pour la CGT, réformer c’est faire progresser. Il faut non seulement conserver le Smic, outil essentiel pour protéger les salariés de la précarité, et augmenter son montant (à 2000 euros brut) et le réévaluer véritablement plus régulièrement. 
Il faut aussi revaloriser tous les salaires qui devraient être indexés en même temps que le Smic sur les prix.

2. Pourquoi le nombre de travailleurs payé au Smic a augmenté depuis deux ans ?
Depuis le début de la crise inflationniste mi-2021, le Smic a été revalorisé à plusieurs reprises car il est indexé sur l’inflation. Ce dispositif permet de maintenir le niveau de vie des salariés payés au salaire minimum. Cela n’est pas un « coup de pouce », c’est l’application automatique de la loi.
Par contre, les salaires au-dessus du Smic ne sont pas indexés sur les prix et ne sont donc pas automatiquement revalorisés par la loi, comme le Smic.

Or, les directions refusent d’accorder des augmentations de salaire au moins égales à l’inflation. Aussi les salaires du bas de la grille se font rattraper par le salaire minimum. Cela conduit à un tassement de la grille des salaires vers le bas et donc à une hausse du nombre de salariés au niveau du Smic.
Le problème n’est donc pas le fait que le Smic soit indexé sur les prix, mais que les autres ne le soient pas !
Ce tassement des salaires autour du Smic est grave car cela conduit à annuler la reconnaissance des diplômes et des compétences professionnelles liées à l’expérience. Pour le Code du travail, le Smic correspond au niveau de salaire des salariés sans qualification. Or les salariés gagnent des qualifications avec leurs diplômes et leur expérience professionnelle.
Il n’est donc pas tolérable qu’ils soient payés au Smic ou à des niveaux de salaire proches du Smic pendant toute leur carrière.

3. Pourquoi les salaires au-dessus du Smic n’augmentent pas et quelles réponses apporter au phénomène de « smicardisation » ?
Il y a plusieurs raisons à cette situation :
D’abord, le Code du travail interdit les négociations d’accords d’entreprises ou de branches permettant d’indexer les salaires sur les prix.
Le gouvernement et le patronat ne cessent de répéter que la négociation doit avoir lieu « au plus proche des réalités dans les entreprises ou les professions » en excluant les accords de salaires.
Pour augmenter les rémunérations des salariés les directions préfèrent distribuer la « prime de partage de la valeur » anciennement « prime Macron » ou « prime gilets jaunes »), ou de « l’intéressement et de la participation », plutôt que d’augmenter les salaires. 

Elles y sont fortement incitées par les exonérations de cotisations et d’impôts sur ces modes de rémunération.
À cela s’ajoute les différentes réformes du marché du travail de ces dernières années qui ont affaibli le pouvoir de négociation des travailleurs et des syndicats. 
Pour ces trois raisons, les travailleurs ont beaucoup plus de mal à gagner des revalorisations de leur salaire (brut et net) à hauteur de l’inflation.
Pour la CGT, il faut au contraire donner plus de pouvoir aux salariés, en permettant aux syndicats de négocier l’indexation des salaires sur le Smic et les prix par exemple. 
Il faut aussi inciter les entreprises à préférer les hausses de salaire aux primes, en faisant en sorte qu’elles versent des cotisations et des impôts sur les primes, l’intéressement et la participation.

Pour répondre à ce problème, la CGT fait plusieurs propositions. 
• La première est l’indexation automatique des salaires sur le Smic et les prix. C’est l’échelle mobile des salaires. 
• De plus, les qualifications doivent être reconnues par les niveaux de salaires à l’embauche : 2 000 euros brut pour un Smic ; 1,2 fois le Smic pour un CAP / BEP ; 1,4 fois pour un bac ; 1,6 fois pour un bac + 2 ; 1,8 fois pour un bac + 3 ; 2 fois pour bac + 5 ; 2,3 fois pour un bac + 8. 
• Enfin, les branches doivent pouvoir négocier sur les déroulements de carrière. 

4. Est-ce que cela coûte vraiment plus cher d’augmenter les bas salaires ? En particulier celles et ceux qui se trouvent au Smic ?
Contrairement à ce que le patronat et le gouvernement disent, cela ne coûte pas « plus cher » d’augmenter les salaires du Smic et jusqu’à 1,5 Smic. 
Par exemple, pour une hausse de 100 euros du salaire net, l’augmentation du super-brut (appelé communément « brut patronal ») s’élève à environ 240 euros pour l’ensemble des salaires compris entre le Smic et 1,5 fois le Smic (première ligne du tableau ci-dessous) . 
Par contre, en l’état actuel des exonérations et de la prime d’activité, les salariés sont floués en cas de hausse du salaire net (dernière ligne du tableau ci-dessous).

5. Si la hausse du salaire net n’engendre pas de surcoût pour l’employeur, pourquoi les rémunérations des travailleurs à bas salaires n’augmentent pas ?
Les entreprises sont très fortement incitées à maintenir les salaires le plus bas possible. Comment ? Par le mécanisme d’exonération des cotisations sociales dites « patronales » sur les salaires. 
Elles sont concentrées sur les salaires entre 1 et 1,6 Smic qui représentent plus des trois-quarts du total des exonérations. 
Au niveau du Smic, les cotisations dites patronales ne représentent en effet que 4 % du salaire super-brut (le Smic est presque entièrement exonéré de cotisations). Puis les exonérations diminuent progressivement jusqu’à 1,6 Smic. 
Pour continuer à bénéficier de ces exonérations le plus longtemps possible, l’employeur a intérêt à maintenir les salaires à leur plus bas niveau possible.
C’est l’effet « trappe à bas salaire ». Les salariés qui débutent au Smic ont d’énormes difficultés à en sortir.
Ce mécanisme est aggravé en période de forte inflation. En l’absence de revalorisation supérieure ou égale à l’inflation, les salaires du bas de la grille se font rattraper par le Smic. C’est « tout bénef » pour les employeurs qui voient passer des salariés sous le seuil de 1,6 Smic et bénéficient alors de nouvelles exonérations de cotisations.
Les employeurs courent toujours plus après les exonérations. Il faut sortir de cette spirale qui pénalise doublement les salariés : une première fois sur leur fiche de paie et, dans un second temps, pour accéder à la protection sociale.

6. Comment fonctionnent les exonérations de cotisations sociales et combien coûtent-elles à nos caisses de protection sociale ?
La loi accorde aux employeurs de ne pas payer les cotisations qui devraient financer la Sécurité sociale (droits à la retraite, arrêts maladie ou les congés maternité par exemple) et l’assurance chômage. 
En contrepartie, l’État rembourse le manque à gagner des exonérations avec les impôts (impôts directs et surtout la TVA). 
Mais cela ne recouvre pas la totalité des sommes tous les ans. En 2023, l’État n’a pas remboursé près de 3 milliards d’euros à la Sécurité sociale en contrepartie des cotisations sociales non perçues à cause des exonérations de cotisations. 
Selon la commission des comptes de la Sécurité sociale (CCSS), les exonérations de cotisations sociales des régimes de base de la Sécurité sociale représenteront au moins 75 milliards d’euros en 2024.
Parmi ces exonérations, celles qui concernent les salariés payés entre 1,6 Smic et 3,5 Smic (entre 2 900 euros brut et 6 200 euros brut) coûtent plus de 15 milliards d’euros, une estimation que la CGT a pu produire à partir des données disponibles. 
Or les travaux de recherche en sciences économiques n’ont pas pu prouver l’efficacité de ces politiques publiques d’aide aux entreprises en termes de création d’emploi, de compétitivité ou d’attractivité.
Toutes les entreprises bénéficient des exonérations de cotisations sociales, quelle que soit leur taille, leur secteur d’activité, ou le niveau de dividendes qu’elles versent à leurs actionnaires.
La CGT demande une remise à plat de ces aides publiques. 
Les exonérations au-dessus de 1,6 Smic doivent être supprimées et le gouvernement doit apporter la preuve de leur utilité pour les salaires proches du Smic.

7. Qu’est-ce que la prime d’activité ? Remplace-t-elle le salaire ?
La prime d’activité a remplacé en 2016 la prime pour l’emploi créée au début des années 2000. 
Cette allocation, qui est un « impôt négatif », a été mise en place pour compléter les salaires trop bas des salariés et des fonctionnaires.
Pour le gouvernement, comme pour le patronat, la prime d’activité peut remplacer des augmentations de salaires, et permet de soutenir les revenus du travail sur les bas salaires. C’est aussi une subvention publique supplémentaire versée aux entreprises au travers des salariés. 
Mais la prime d’activité ne remplit pas véritablement cette mission.
D’abord parce que contrairement au salaire, la prime d’activité n’est pas durable. Quand le salaire net d’un travailleur (seul et sans enfant) augmente de 100 euros net par mois, soit 1 200 euros annuel, sa prime d’activité diminue. 
La hausse de son revenu disponible ne sera plus que de 732 euros net annuels, soit une différence de 468 euros !
Ensuite parce que de nombreuses personnes ne perçoivent pas la prime d’activité. En effet, elle est calculée sur les revenus du foyer et dépend donc de la composition de la famille.
C’est pour cela que près de 45 % des travailleurs proches du Smic ne bénéficient pas de la prime d’activité !

Article CGT avril 2024

Article publié le 12 avril 2024.


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