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La bataille des retraites en cours aurait presque tendance à faire oublier une autre urgence qui couve : la question des salaires. En effet, l’Insee est catégorique : l’inflation ne ralentit pas et atteint +6% entre janvier 2022 et janvier 2023. Autrement dit, chaque mois qui passe, nous perdons tous un peu plus de pouvoir d’achat. Le choc est encore plus important sur les produits de grande consommation, avec pas moins de 12,2% d’inflation en 12 mois.
Face à cette sombre réalité, patronat et gouvernement continuent de faire la sourde oreille. Tout indique pourtant que cette baisse continue du pouvoir d’achat va à termes se traduire par une baisse de consommation des ménages français, mais surtout, par une modification des habitudes de consommation, délaissant le local et la qualité pour moins cher. Alors que ce mouvement s’amorce déjà, en bout de course, c’est bien de destructions massives d’emploi dont il est question.
1. Tout augmente, sauf les salaires
Les chiffres de l’Insee montrent bien que l’inflation ne faiblit pas en ce début d’année 2023. La hausse du coût de la vie devrait même être encore plus importante en février, suite à différentes augmentations intervenues au 1er du mois. C’est notamment le cas des tarifs des péages, qui ont augmenté de 4,5% en moyenne à l’échelle du territoire, ou encore du prix de l’électricité, dont les tarifs réglementés ont enregistré une hausse de 15%1. Bref, on est loin d’en avoir fini avec l’inflation, puisque tout augmente.
Enfin non, tout, sauf les salaires. Le gouvernement a tranquillement renvoyé le sujet aux « partenaires sociaux », mais les négociations interprofessionnelles sur le partage de la valeur ajoutée qui se tiennent dans ce cadre touchent à leur fin, et accoucheront d’une souris, sans aucune mesure concrète sur des augmentations générales de salaire.
Le son de cloche n’est guère meilleur au niveau des branches. Comme le montre l’Insee, les seuls secteurs qui connaissent une augmentation significative du salaire de base, sont ceux qui concentrent les plus fortes proportions de salariés au Smic. Mais dans tous les cas, l’augmentation moyenne du salaire reste inférieure à l’inflation, et le Smic ne permet pas de vivre décemment !
Quant aux négociations à l’échelle des entreprises, mêmes ceux qui négocient le mieux sortent de leurs NAO avec des enveloppes bien inférieures à l’inflation. En effet, rares sont ceux qui sont parvenus, comme chez Renault, à obtenir des enveloppes de 7,5% d’augmentation de la masse salariale. Pourtant, quand on y regarde de plus près, cela se décompose en 5% d’augmentation, et 2,5% sous forme de prime ponctuelle. Il ne faut donc pas comparer les 6% d’inflation aux 7,5% de NAO, mais bien aux 5% attribués sous forme d’augmentation de salaire. Pire encore, les 5% se décomposent eux-mêmes en 4% d’augmentations générales et 1% d’augmentations individuelles pour les ouvriers et employés ; tandis que pour les cadres, l’intégralité des 5% est sur une base d’augmentation individuelle. Certains auront plus, mais beaucoup auront moins2.
1 Généralement, les tarifs non-réglementés connaissent des hausses encore plus importantes que les tarifs réglementés, qui par définition, sont plafonnés.
2 La direction du groupe indique en effet que le pourcentage d’augmentation moyen des cadres serait de 2%.
2. La consommation populaire qui souffre
Nul besoin d’être expert en économie pour comprendre que quand on a moins d’argent, on consomme moins, et que l’on modifie ses habitudes de consommation. Sur le premier point et selon l’Insee, les dépenses alimentaires des ménages ont reculé de 4,6% en volume. La réalité est là : les français mettent moins de choses dans leur chariot. Mais de surcroit, les dernières enquêtes de consommation montrent que les français modifient le contenu de celui-ci, en achetant moins de produits frais, de fruits et de légumes… remplacés notamment par des produits transformés, moins chers mais aussi par définition plus problématiques pour la santé. De la même manière, les ventes de produits d’hygiène sont en baisse de plus de 10%.
Toutes ces données sont le témoin d’une consommation populaire en souffrance, et de tout un ensemble de salariés pour lesquels la question est simple : comment prendre soin de soi quand chaque euro est de plus en plus compté ? Alors même que le gouvernement multiplie les campagnes de communication visant une alimentation plus équilibrée, il se refuse catégoriquement à augmenter les salaires. Pourtant, augmenter les salaires, cela signifie directement soutenir la consommation de ces ménages qui n’ont d’autre choix que de s’adapter lorsque le portefeuille se réduit. On le sait, manger mieux et plus sain, c’est déterminant pour son état de santé…et donc aussi pour les dépenses de santé !
Cette adaptation des comportements de consommation passe aussi par une recherche toujours plus importante du moindre prix, que l’on trouve souvent sur internet. Conséquence logique, les ventes en ligne sont en hausse de près de 14% en 2022. Si cette dynamique se poursuit, de très nombreux emplois (du commerce de proximité notamment) seront menacés. Là encore, il s’agit bien de choix politiques aux conséquences très concrètes pour la majorité des français.
À l’opposé le plus total de cette réalité populaire, la consommation de produits de luxe est plus florissante que jamais depuis le Covid, en témoignent les résultats records du groupe LVMH en 2022 (ventes en hausses de 23% !), après une année 2021 déjà exceptionnelle.
Ce n’est pas qu’une question d’inégalités. L’inflation agit comme un révélateur de toutes les contradictions de notre régime économique, où une minorité ne sait plus comment dépenser son argent pendant que l’écrasante majorité ne sait pas où le trouver.
À retenir :
➢ L’inflation se poursuit, mais les salaires n’augmentent pas.
➢ Ce sont avant tout les plus modestes qui en font les frais chaque jour
➢ La perte de pouvoir d’achat qui en découle se traduit par une baisse des volumes alimentaires, et par une modification des habitudes de consommation des français, contraints et forcés de s’adapter
➢ Cela vient rappeler l’urgente nécessité d’augmenter les salaires, grâce au Smic à 2000 euros bruts et à l’échelle mobile des salaires. C’est concrètement l’indexation des salaires et des minima de branche sur les prix, pour faire face à l’inflation.
➢ C’est bien l’ensemble de notre modèle économique qu’il faut changer, et vite.
Mémo Eco CGT février 2023
Article publié le 21 février 2023.