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Le Conseil d’État vient de rejeter les recours déposés contre le décret d’annulation de 10 milliards d’euros de crédits pris par le gouvernement Attal en février 2024. Les arguments des requérants sont retoqués tant sur la forme que sur le fond par le Palais-Royal, qui en profite pour apporter des précisions sur les marges de manœuvre dont disposent les gouvernements, en vertu de la LOLF, face à une situation de dégradation du déficit.
Les coupes budgétaires décidées par le gouvernement Attal étaient légales. Par une décision rendue ce mercredi 29 janvier, le Conseil d’État a en effet rejeté les recours dirigés contre le décret du 21 février 2024 portant annulation de 10 milliards d’euros de crédits au sein du budget de l’État.
Les recours en question avaient été déposés par l’université Jean-Moulin Lyon-III, l’association “Notre affaire à tous” et le Syndicat national des sapeurs-pompiers professionnels et des personnels administratifs techniques et spécialisés des services départementaux d’incendie et de secours de France (SNSPP-PATS). Quatre sénateurs centristes – Nathalie Goulet, Vincent Delahaye, Hervé Maurey et Michel Canévet – avaient aussi décidé de saisir le Conseil d’État. Autant de requérants qui demandaient l’annulation “pour excès de pouvoir” du coup de rabot de 10 milliards, porté notamment par l’ex-ministre de l’Economie et des Finances Bruno Le Maire.
“Prévenir une détérioration” des finances publiques
Leurs arguments sont rejetés tant sur la forme que sur le fond par le Conseil d’État ; qui profite de sa décision pour apporter des précisions sur les marges de manœuvre dont disposent les gouvernements face à une situation de dégradation du déficit. Et ce, en vertu de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) et de son article 14, qui permet aux gouvernements de prendre des décrets d’annulation de crédits “afin de prévenir une détérioration de l’équilibre budgétaire défini par la dernière loi de finances afférente à l’année concernée”.
Dans ce cas, et avant toute publication, tout décret d’annulation est transmis pour information aux commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat. Surtout, le montant cumulé des crédits annulés “ne peut dépasser 1,5%” du montant total des crédits ouverts par les lois de finances de l’année concernée et, dans le cas présent, par la loi de finances initiale pour 2024. Des conditions qui ont donc été respectées par le gouvernement Attal, selon le Conseil d’État.
Pas de procédure irrégulière
Contrairement à ce que soutenaient les requérants, le décret du 21 février 2024 n’a pas été pris au terme d’une procédure irrégulière, estiment en effet les juges du Conseil d’État aujourd’hui. Les auteurs des recours reprochaient au gouvernement Attal d’avoir simplement transmis “pour information” au Parlement le décret en litige, sans que celui-ci soit consulté pour avis avant sa publication. Pour le Palais-Royal, toutefois, la circonstance que cette transmission du décret “n’ait eu lieu que quelques heures” avant la publication au Journal officiel “ne saurait être regardée comme constituant une méconnaissance” des dispositions de la LOLF.
Selon les juges, l’exécutif n’était pas ne plus dans l’obligation de publier concomitamment au décret son rapport de présentation. Celui-ci a effectivement été publié le lendemain de la publication du décret attaqué, ce que regrettaient les requérants. À rebours des arguments que ceux-ci avaient avancés, ce rapport “expose” aussi “de manière suffisamment précise les motivations ayant conduit le gouvernement à procéder” à l’annulation de 10 milliards d’euros de crédits. Sur la forme, le Conseil d’État rejette toute méconnaissance des droits du Parlement ou empiètement sur sa compétence, compte tenu des marges de manœuvre dont disposent les gouvernements en vertu de la LOLF.
Impact qui ne relève pas de l’office du juge
Sur le fond, l’université requérante estimait que le décret d’annulation de crédits “serait entaché d’une erreur d’appréciation” au regard, selon elle, “des effets disproportionnés sur l’exécution du service public de l’enseignement supérieur”. Le Conseil d’État considère à ce propos que le contrôle de l’impact du décret attaqué ne relève pas de sa compétence : “S’il appartient au juge de l’excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de contrôler qu’un décret (d’annulation de crédits) respecte les procédures et conditions prévues (par la LOLF), il n’entre pas dans son office de contrôler le choix des pouvoirs publics du montant global des crédits devant être annulés afin de prévenir une détérioration de l’équilibre budgétaire ni au sein des crédits annulés, de la répartition de ces annulations entre les différentes politiques publiques.”
Pour le Palais-Royal, enfin, le principe de sincérité budgétaire ne pouvait être invoqué par les requérants à l’encontre du décret attaqué, puisque ce principe s’applique aux seules lois de finances. Les auteurs des recours estimaient que ce décret “révélerait l’absence de sincérité des prévisions soumises par le gouvernement au Parlement lors de l’examen du projet de loi de finance pour 2024". Et ce, abondaient-ils, “eu égard à la fois à l’importance du montant des crédits annulés et au caractère précoce de l’adoption” des coupes budgétaires. Un argument lui aussi rejeté par le Conseil d’État.
Article Acteurs Publics du 30 janvier 2025
Article publié le 31 janvier 2025.