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“Il faut revoir sérieusement les missions de l’État et les dépenses qui en découlent”

Dans une note pour la Fondation Jean-Jaurès, le codirecteur de son Observatoire de l’économie, Simon-Pierre Sengayrac, propose plusieurs pistes pour redresser les finances publiques. Il appelle notamment à la mise en œuvre d’une revue “réelle et sérieuse” des dépenses de l’État, ce qui, selon lui, nécessite de responsabiliser davantage les ministres.

Dans une note récente du Conseil d’analyse économique (CAE), trois économistes proposaient une stratégie de réduction du déficit primaire d’environ 4 points de PIB en sept à douze ans, avec un effort initial assez marqué. L’objectif que proposent les auteurs revient à dégager un excédent primaire de l’ordre de 1 point de PIB à moyen-long terme. La France peut tout à fait atteindre cet objectif à la condition qu’elle s’engage dans une réelle et sérieuse revue des missions de l’État et des dépenses qui en découlent.

Le ratio du solde public au PIB dépend de deux facteurs, le dénominateur (le solde en milliards d’euros) et le PIB (également en milliards d’euros). Figer les dépenses à leur niveau de 2023 et faire croître les recettes publiques de 0,5 % par an contre une progression du PIB de 1 % par an permet donc de réduire sensiblement le solde public rapporté au PIB : en 2030, ce ratio reviendrait à 3,4 %, soit une baisse de pratiquement 2 points en sept ans.

Cette projection, certes théorique mais reposant sur des hypothèses prudentes, permet également de montrer qu’une action sur la croissance contribuerait de façon décisive à la réduction des déficits publics. Une telle solution n’est pas illusoire, le gouvernement de Lionel Jospin avait réussi pareille performance : de 1997 à 2002, le PIB avait augmenté de 22 % contre 19 % pour les dépenses publiques sur la même période et 20 % pour les recettes, le solde passant de 3,7 % à 3,4 % en cinq ans.

Figer les dépenses à leur niveau actuel n’est pas simple mais cela pourrait être un objectif fixé par une loi de programmation des finances publiques ambitieuse. L’objectif ne reviendrait pas à figer l’ensemble des dépenses mais à faire des choix en augmentant certaines dépenses et en en faisant diminuer d’autres, et ce en fonction des priorités politiques du gouvernement

La Lolf ne désigne pas les ministres comme responsables des crédits budgétaires dont ils disposent.

Au-delà d’un gel du niveau global des dépenses publiques, il convient pour atteindre l’objectif de réduction du déficit primaire à moyen-long terme de mettre en œuvre une revue réelle et sérieuse des dépenses, mission par mission budgétaire. Autrement dit, il s’agit de faire mieux en dépensant moins dans certains secteurs de l’action publique pour dépenser, si besoin, davantage dans d’autres secteurs.

Les ministres ne sont jamais véritablement rendus responsables de la gestion des crédits budgétaires dont ils disposent pour conduire les politiques publiques qui relèvent de leur portefeuille. Les ministres considèrent que leur action est prioritaire dès lors que pour mettre en œuvre leurs priorités politiques ils obtiennent des crédits budgétaires nouveaux. La Lolf ne désigne pas les ministres comme responsables des crédits budgétaires dont ils disposent. Les projets annuels de performance annexés chaque année au projet de loi de finances et qui présentent notamment l’évolution des crédits budgétaires et des emplois mission par mission et programme par programme mentionnent les ministres comme étant uniquement “concernés” mais non comme responsables. Les responsables budgétaires sont les directeurs d’administration centrale. Cette répartition des rôles n’est pas neutre, elle tend à déresponsabiliser les ministres en matière budgétaire.

L’évaluation constitue un élément important du débat public.

À droit constant, il est possible de responsabiliser les ministres. Le Premier ministre pourrait, dans les lettres plafonds budgétaires qu’il adresse à chacun des membres du gouvernement au cœur de l’été, exiger qu’il ou elle propose de mettre en œuvre toute nouvelle politique publique à niveau de dépenses constant, ce qui impliquerait de redéployer les crédits existants. Pour ce faire, les ministres peuvent engager des travaux d’évaluation des politiques publiques relevant de leur champ de compétences, en ciblant prioritairement les politiques disposant de plus de crédits, ou mobiliser les nombreux travaux d’évaluation disponibles. Selon la Cour des comptes – laquelle, en vertu de l’article 47-2 de la Constitution, “assiste le Parlement et le Gouvernement […] dans l’évaluation des politiques publiques” –, cette dernière vise à fournir, tant aux auteurs de la politique qu’aux citoyens, une meilleure compréhension de son fonctionnement, ainsi qu’une appréciation de ses résultats. Elle constitue donc un élément important du débat public. L’évaluation des politiques publiques consiste ainsi à apprécier dans quelle mesure les actions définies et mises en œuvre par les pouvoirs publics ont contribué au traitement des problèmes publics qu’ils ont identifiés comme nécessitant leur intervention.

Évaluer les politiques publiques doit conduire les ministres à identifier les actions ayant produit tous leurs effets mais aussi les actions ne produisant que peu ou pas d’effets, voire les actions générant des effets pervers, toutes politiques pouvant être remises en question. Cette réflexion doit permettre de dégager des moyens budgétaires existants au profit des politiques publiques qui font l’objet de priorités gouvernementales, autrement dit de réallouer les crédits entre les missions budgétaires de l’État. Ce type de posture exige un changement complet de perspective et une exigence forte de la part du Premier ministre. Les directeurs d’administration centrale, qualifiés de responsables de programmes budgétaires par la Lolf, sont considérés comme des managers et s’engagent sur les résultats de leurs programmes budgétaires ; ils orientent les choix d’activité et les choix budgétaires en procédant à la programmation aussi sincère et soutenable que possible des moyens qui leur sont alloués en loi de finances afin d’atteindre les résultats visés. Ce positionnement ne suffit pas, il doit être complété par une mise sous tension des ministres.

Article Acteurs Publics 14 février 2025

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Article publié le 17 février 2025.


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