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Les TPE dénoncent la proposition de François Bayrou, qui pourrait, selon elles, détériorer le climat social en leur sein.
François Bayrou a prévenu : peu de Français échapperont à l’effort collectif exigé par le rétablissement des comptes publics. Alors que la situation budgétaire française se corse, le premier ministre a annoncé pêle-mêle une année blanche à tous les niveaux (dépenses de l’État, impôt sur le revenu, prestations sociales), une contribution spéciale pour les plus fortunés, la révision de l’abattement forfaitaire pour les retraités, le non-remplacement d’un fonctionnaire sur trois à partir de 2027, mais aussi la possible suppression de deux jours fériés. Autrement dit, les salariés devront travailler deux jours de plus dans l’année - probablement le lundi de Pâques et le 8 mai, même si le gouvernement s’est dit ouvert à d’autres propositions de dates -, sans être rémunérés davantage.
« C’est un effort demandé aux actifs », justifie le premier ministre dans une lettre envoyée aux partenaires sociaux début août, qui doit « permettre de réduire notre déficit d’activité et de production ». Et qui devrait aussi permettre à l’État de récupérer quelque 4,2 milliards d’euros selon le document d’orientation accompagnant la missive de Matignon transmise aux syndicats et aux organisations patronales. Ces deux jours de plus s’assortiront en effet d’une contribution payée par les entreprises en contrepartie de la valeur ajoutée que leur rapporteront ces quatorze heures de travail supplémentaires non payées, de 0,3 % de leur masse salariale par jour, soit 0,6 % au total. « Au lieu de payer les salariés, on paie l’État », résume Amir Reza-Tofighi, à la tête de la Confédération des PME (CPME), qui avoue « préférer que ce soient les salariés qui gagnent plus ». Cette réforme qui ulcère les syndicats de salariés - l’intersyndicale a dénoncé « une nouvelle attaque en règle des droits des travailleurs et des travailleuses » - ne représente « aucun intérêt pour les entreprises », a également estimé Patrick Martin, le président du Medef.
Une mesure contre-productive
Les plus petites d’entre elles craignent même d’y perdre. « Moi, je ne suis pas gagnant par exemple », pointe un membre de la CPME, patron d’un petit commerce. « Tout dépend de la capacité de l’entreprise à dégager de la valeur ajoutée pendant ces quatorze heures de plus », plaide-t-il, estimant qu’ouvrir son magasin deux jours de plus, alors que toute la France est au travail, ne lui rapportera pas plus. « Si vous avez des carnets de commandes vides, pas de boulot, si vous avez un magasin… vous risquez surtout de faire venir vos salariés travailler pour rien », a mis en garde Michel Picon, le président de l’U2P, le syndicat des entreprises de proximité, dès juillet. Alors que le chiffre d’affaires dans les entreprises est, cette année encore, attendu en repli de 1,5 % après un recul estimé à 1,8 % en 2024 selon la dernière enquête de Bpifrance Le Lab, c’est un euphémisme de dire que la mesure est accueillie avec tiédeur.
Certains secteurs pourraient particulièrement pâtir de la disparition de ces deux jours chômés. L’inquiétude de Michel Picon porte notamment sur les entreprises du secteur du tourisme, de l’hôtellerie et de la restauration, qui seraient alors privées des bienfaits des fameux « ponts » et « viaducs » printaniers. Le représentant patronal balaie d’un revers de la main l’argument selon lequel ces heures travaillées en plus accroîtraient la production. « La majorité des entreprises de notre pays sont des entreprises de services, et il leur faut des clients. Si vous ouvrez le lundi de Pâques mais que personne ne vient… » Qui plus est, l’absence de rémunération supplémentaire pour les salariés ne sera pas de nature à relancer la consommation, estime-t-il. « Là, c’est un partage de la misère », s’est-il agacé au micro de RMC lundi.
Plus de 70 % des TPE interrogées par le Syndicat des indépendants (SDI) dans la foulée des annonces de François Bayrou se disent opposées à la suppression de deux jours fériés dans l’année. Et si l’association se félicite d’avoir été « parmi les premiers à pointer la question du temps de travail lors des ponts et jours fériés », « pour autant, taxer les entreprises au motif d’un temps de travail insuffisant en France n’a aucun sens, pas plus que d’exiger de nos salariés qu’ils travaillent gratuitement », peste Marc Sanchez, le président du SDI. Fustigeant une mesure qui, selon eux, taxerait plus encore le travail et pèserait sur les personnes en emploi, les petits patrons craignent aussi que celle-ci ne vienne détériorer le climat social au sein de leur entreprise. Et ce, alors que les TPE sont justement plébiscitées par les salariés pour la proximité qui y règne avec leur patron. Ainsi, 81 % des employés de ces petites structures se disent satisfaits au travail, contre 72 % dans l’ensemble du secteur privé, selon un sondage de la CGT. Jugeant « extrêmement violent » de demander aux salariés de travailler deux jours de plus dans l’année gratuitement, un membre de l’U2P avoue appréhender l’émergence d’« un climat pourri ».
Article Le Figaro du 20 août 2025
Article publié le 20 août 2025.