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La crise a fait exploser le trou de la Sécu rité sociale

Proches de l’équilibre à l’arrivée d’Emmanuel Macron, les comptes ont replongé en raison de la fronde des« gilets jaunes » et du Covid.

Social Promis, juré, le quinquennat Macron devait être celui du redressement des comptes sociaux et marquer, définitivement, la fin du fameux « trou abyssal » de la Sécu. Las, près de cinq ans après l’élection du président de la République, non seulement le trou est toujours là, mais il est plus profond que jamais. Le déficit de la Sécurité sociale devrait atteindre encore cette année 34,6 milliards d’euros, après 38,7 milliards en 2020.

Et les comptes resteront dans le rouge pour longtemps, reconnaît le gouvernement : le déficit, s’il doit se réduire en 2022 du fait de meilleures prévisions de croissance, atteindra encore 21,6 milliards d’euros, avant d’être ramené à 13 milliards à horizon 2025. D’une part, parce que la branche maladie devra durablement supporter les hausses de salaires et investissements liées au « Ségur de la santé » (12,5 milliards l’an prochain). D’autre part, parce que la branche vieillesse, faute de réforme des retraites, reste en déficit structurel. Un sombre tableau alors que les comptes étaient proches de l’équilibre en 2018, que le gouvernement annonçait le retour dans le vert pour l’année d’après et réfléchissait à la manière d’utiliser les « excédents »…

Le creusement du déficit n’est pas la seule ombre au tableau. Alors que l’exécutif avait fait du désendettement sa priorité, la dette sociale s’est encore alourdie. La Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades), qui amortit sur les marchés financiers depuis 1996 les déficits de la Sécu accumulés au fil du temps, devait s’éteindre en 2024. Déjà, les appétits s’aiguisaient pour récupérer ses recettes - une manne, constituée de la CRDS et d’une fraction de CSG, de 18 milliards d’euros par an - pour financer de nouvelles dépenses, comme la dépendance.

Mais là encore, l’échéance a été reportée : le gouvernement a repoussé l’extinction de la Cades à 2033 et lui a chargé la barque de 136 milliards d’euros supplémentaires de dette à apurer, via la loi organique de juillet 2020. « La dette, qui pèse sur les générations futures, ne peut devenir le mode permanent de financement de la Sécurité sociale », a prévenu la Cour des comptes en octobre dernier.

Les « excédents » envolés

Que s’est-il passé pour en arriver là alors qu’après l’élection d’Emmanuel Macron, en 2017, l’objectif d’un retour à l’équilibre des comptes paraissait à portée de main ? Marisol Touraine, ministre de la Santé de François Hollande, se désolait d’ailleurs à l’époque d’avoir fait le boulot dont ses successeurs n’auraient qu’à ramasser les fruits. Le travail de redressement avait en effet commencé bien avant, dès 2011. Année après année, les comptes s’amélioraient au prix d’efforts continus, obtenus en activant deux leviers majeurs. D’une part, la pression a été mise sur le secteur de la santé, sommé de maîtriser l’envolée de ses dépenses due au vieillissement de la population. D’autre part, des efforts ont été demandés aux retraités dont les pensions ont été gelées ou sous-indexées par rapport à l’inflation. La réforme Woerth des retraites de 2010, repoussant progressivement de deux ans l’âge de départ en retraite, a aussi joué un rôle important dans le rétablissement des comptes sociaux.

Mesures « gilets jaunes »

Mais cette « remontada » a été stoppée nette alors que le gouvernement Philippe s’est heurté à deux événements imprévus. Tout d’abord, la crise des « gilets jaunes » en 2019. Les comptes de la Sécu ont alors plongé une première fois, en raison du manque d’activité (restaurants et magasins fermés durant les manifestations) mais aussi parce que l’exécutif a ouvert le robinet des dépenses pour éteindre l’incendie : augmentation et élargissement de la prime d’activité, indexation sur l’inflation des pensions de 12 millions de retraités modestes, etc.

Exonérations de charges

Surtout, il a multiplié les exonérations de charges : prime Macron exonérée de cotisations sociales tant pour le salarié que l’employeur, exonération de cotisations sur les heures supplémentaires, nouveau taux de CSG réduit pour les retraités gagnant moins de 2 000 euros par mois… Des « mesures d’urgence » qui ont creusé à nouveau le trou de la Sécu, à hauteur de 5,4 milliards d’euros, contre 700 millions d’euros d’excédents prévus cette année-là. L’équilibre a été alors repoussé à… 2023. Sans compter que le gouvernement a également changé les règles. Si, par le passé, l’État avait l’habitude de compenser toute nouvelle exonération de charges, la nouvelle doctrine veut désormais que la facture reste à la pleine charge de la Sécu. Une mesure contre laquelle l’actuel ministre LREM de la Santé, Olivier Véran, quand il était rapporteur PS du budget de la Sécu dans la précédente législature, s’était insurgé. Mais Bercy a tenu ferme : « À compter de 2019, ce sera chacun chez soi », déclarait ainsi Gérald Darmanin, alors ministre des Comptes publics.

Et puis en 2020, le coup de grâce avec la pandémie de Covid-19 : la Sécu a dû faire face à 18,3 milliards d’euros de dépenses exceptionnelles engagées par l’Assurance-maladie pour l’achat d’équipements (masques, respirateurs…), les tests de dépistage, mais aussi la prise en charge des arrêts de travail pour gardes d’enfants, cas contacts, professions libérales, etc. Une somme à laquelle se sont ajoutés les premiers engagements du « Ségur de la santé ».

Crise sanitaire

La crise sanitaire s’étant poursuivie cette année, les surcoûts liés au Covid ont perduré (pour 14,8 milliards d’euros) tandis que les revalorisations salariales du « Ségur » sont montées en puissance. Au total, de 2020 à 2022, il y aura eu près de 10 milliards d’euros de revalorisations salariales des métiers de la santé et du médico-social. En 2022, pour la première année depuis des lustres, aucune économie ne sera imposée à l’hôpital, là où 700 millions d’euros d’économies lui étaient chaque année demandés. « C’est une rupture historique : aucune économie ne sera faite sur le dos de l’hôpital public, pas un euro ne sera économisé au détriment des patients et de ceux qui les soignent », a ainsi promis Olivier Véran. Le sacro-saint objectif national des dépenses de santé (Ondam), sous pression depuis des années, continuera à progresser en 2022, même sans compter les dépenses liées au Covid (+ 3,8 %), et même hors dépenses liées au Ségur (+ 2,6 %).

« Réformes structurelles »

La faute à pas de chance, en quelque sorte. « C’est parce que ce gouvernement a veillé à la bonne santé financière de la Sécurité sociale avant la crise qu’elle a pu jouer son rôle de protection et d’amortisseur, plaide Olivier Dussopt. C’est ce sérieux budgétaire qui nous a permis de répondre présent quand il le fallait. » Reste que la situation n’est pas tenable. Il va falloir « revoir les règles de gouvernance des finances sociales », reconnaît le ministre des Comptes publics. La proposition de loi du député LREM Thomas Mesnier sur ce sujet est en cours d’examen au Parlement… Il faudra aussi engager « les réformes structurelles », a-t-il ajouté, parlant « bien entendu de la réforme des retraites ». Plus facile à dire qu’à faire à seulement huit mois de la présidentielle. ¦

114,9 % du PIB Taux de dette publique à fin juin 2021, en baisse de 3,2 points sur trois mois en raison essentiellement du rebond du PIB lié à la reprise économique

Article Le Figaro du 25 septembre 2021

Article publié le 28 septembre 2021.


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