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Un rapport de la mission d’information du Sénat préconise de multiplier les espaces France Services et de généraliser un accès par téléphone
C’est un nouveau signal d’alarme sur l’accès des citoyens aux services publics. Presque un Français sur deux (44 %) rencontre des difficultés dans la réalisation de ses démarches en ligne. Une mission sénatoriale a rendu, mardi 16 septembre, un rapport sur le lien des usagers avec leurs administrations, et le constat est sévère. Avec la dématérialisation et la fermeture d’un certain nombre d’antennes et d’agences locales, l’éloignement s’est renforcé depuis dix ans. Résultat : un« sentiment de déshumanisation » de l’Etat pour le plus grand nombre et une « précarité relationnelle » croissante pour les publics les plus fragiles.
Les démarches en ligne sont devenues pratique courante pour la très grosse majorité de la population. Sur les 2 milliards réalisées chaque année, 82 % le sont sur Internet et concernent tous les actes de la vie : la naissance d’un enfant, son mode de garde ou son inscription à l’école ; le renouvellement des papiers d’identité ; les déplacements et les réservations nécessaires ; un déménagement ou une inscription à l’université ; la participation à la vie associative ; la création d’une entreprise ou d’un commerce ; la perte d’un emploi ; la survenue de la maladie, du handicap ou du deuil…
Si cette dématérialisation a permis de simplifier bon nombre de démarches et de rendre certains droits plus visibles – et donne une image globalement positive des services publics –, elle ne s’est pas faite sans heurts ni laissés-pour-compte.
Le contact humain plébiscité
La reconversion massive vers le numérique s’est, en effet, accompagnée d’un retrait généralisé de la présence de l’Etat des territoires ruraux, des quartiers prioritaires de la politique de la ville et des outre-mers. Fermetures de classes et d’écoles, suppression de brigades de gendarmerie, abandon de bureaux de poste ou de centre des impôts, disparition d’antennes d’organismes de protection sociale, redéploiement de casernes de pompiers, limitation des horaires d’ouverture… le départ des services de proximité est massif et continu. « Le mouvement de retrait a renforcé l’impression de déshumanisation et de solitude imputée au remplacement de l’interlocuteur physique par un écran », souligne le rapport.
Les élus locaux – la mission a reçu près de 1 200 réponses – font état d’un sentiment grandissant de « déclassement » et d’« abandon » chez leurs administrés, notamment les citoyens âgés ou précaires, voire les jeunes, peu au fait des démarches administratives. Se retrouver seul devant un écran devant des pages dont on ne comprend pas la finalité ou se sentir perdu dans les méandres des chemins informatiques déclenche un désarroi et un sentiment d’exclusion majeurs souvent ignorés des pouvoirs publics, exposent-ils. Comme le résume un maire auditionné par les rapporteurs : « Les Français ont vraiment l’impression qu’ils doivent faire le travail sur Internet à la place de leurs interlocuteurs qui ont disparu. »
Le rapport dresse plusieurs recommandations afin de rénover la confiance entre les administrations et les usagers. Pour le sénateur socialiste Gilbert-Luc Devinaz, qui présidait la mission, « la proximité est un enjeu d’égalité entre les territoires et les citoyens et un enjeu démocratique ». Si des actions de simplification des procédures administratives ont été lancées par les différents gouvernements dans tous les ministères depuis la pandémie de Covid-19, il reste un effort majeur à accomplir. En premier lieu, il est urgent de préserver un canal autre que numérique pour joindre une administration, garantissant à l’usager un accès aux services publics selon la modalité de son choix, notamment téléphonique. Cette action permettrait de garder un contact humain, plébiscité dans les multiples sondages.
L’autre recommandation majeure de la mission d’information est de multiplier les espaces France Services, antennes permettant de procéder aux principales démarches du quotidien à moins de trente minutes de trajet du domicile, particulièrement en milieu rural. Enfin, les sénateurs proposent de former spécifiquement les agents à un accueil en ligne des publics les plus éloignés des démarches sur Internet.
Article Le Monde du 19 septembre 2025
Article publié le 22 septembre 2025.