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La désastreuse expérience britannique

Au Royaume-Uni, la fusion des aides sociales a réduit l’accès aux prestations, contribuant à creuser la grande pauvreté. Ce système coûte plus cher à l’État que les sommes économisées.

En matière de fusion des aides sociales, le gouvernement Bayrou serait bien avisé de jeter un coup d’œil outre-Manche. Dès 2012, le Royaume-Uni a lancé son Universal Credit (UC) qui regroupe six allocations (allocation chômage, crédit d’impôt pour le retour à l’emploi, crédit d’impôt pour charge de famille, aide au logement, allocation invalidité et prestation de soutien au revenu pour les personnes dispensées de recherche d’emploi). Mais sa mise en place s’est avérée bien plus complexe et coûteuse que prévu, au point de n’être toujours pas terminée, treize ans après son lancement.

Surtout, elle a« modifié la composition des populations les plus pauvres sans améliorer leurs revenus. Globalement, il y a eu une perte de revenu dans le bas de la répartition », en premier lieu parmi les familles monoparentales ou nombreuses, résumait dans un récent rapport Jacques Freyssinet, économiste à l’Institut de recherches économiques et sociales (Ires). Pire, selon une étude de mars 2025 publiée par l’université de Nottingham, 85 % des bénéficiaires de l’UC, dont le montant s’échelonne entre 156 et 347 euros mensuels par ménage, sont en insécurité alimentaire : 73 % disent passer des journées entières sans manger et 39 % ne jamais manger ni fruits ni légumes.

À l’origine pourtant, l’UC devait être un outil de lutte contre le non-recours aux aides, très élevé au Royaume-Uni (10 à 60 % selon l’allocation). Avant sa création, le système d’aide aux ménages pauvres était illisible et difficile d’accès en raison de la« superposition de dispositifs, dont les règles d’attribution peuvent varier nettement selon la prestation en question », d’après un rapport de l’Institut des politiques publiques en 2021. D’où l’idée d’une prestation unique, avec dématérialisation des démarches.

Pour contrer les effets « désincitatifs »des aides existantes, lesquelles« auraient pour effet de rendre nul ou négligeable le gain financier qui résulterait d’une reprise d’activité à temps partiel ou d’un accroissement de la durée du travail », selon l’Ires, l’UC est partiellement cumulable avec des revenus salariés. Mais cette incitation financière est doublée d’un accroissement des contraintes.« Les exigences sont durcies, par exemple, le temps consacré à la recherche d’emploi ou la baisse des critères sur l’offre d’emploi qui doit être acceptée. Des sanctions peuvent être appliquées au moindre manquement, par exemple l’absence à un rendez-vous », explique dès 2017 un rapport de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques. Le non-respect des obligations de recherche d’emploi peut même se traduire par la suppression totale de l’UC, prestations de logement ou de handicap incluses.

Des effets régressifs

Résultat :« La complexité et le coût du système informatique ont été considérablement sous-évalués. Sa généralisation, initialement prévue en 2017, est repoussée à plusieurs reprises ; elle est aujourd’hui attendue en 2028 », tacle le rapport de l’Ires. Surtout, la réforme a servi à couper dans les budgets d’aides sociales. À partir de 2015, l’octroi d’une majoration du montant de l’UC pour les enfants s’arrête après la deuxième naissance, pénalisant les familles nombreuses.« Les effets redistributifs de la réforme sont régressifs,note l’Ires. C’est-à-dire qu’en moyenne les ménages les plus pauvres sont plus affectés par une perte de leur revenu disponible ».

L’accroissement de la pauvreté touche désormais tous les bénéficiaires. En 2023, deux ONG britanniques soulignaient que, dans neuf cas sur dix, le montant de l’UC est inférieur au coût des besoins de première nécessité.

Article L’Humanité du 3 septembre 2025

Article publié le 3 septembre 2025.


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