vous êtes ici : accueil > Divers

Vos outils
  • Diminuer la taille du texte
  • Agmenter la taille du texte
  • Envoyer le lien à un ami
  • Imprimer le texte

“Le bruit au travail reste le parent pauvre en matière de visibilité des actions de prévention”

Alors que les open spaces fleurissent partout dans le secteur public, les nuisances sonores au travail font partie du quotidien des agents, mais sont peu prises en compte par les employeurs, selon Romain Bendavid, expert associé à la Fondation Jean-Jaurès sur les enjeux de qualité de vie et des conditions de travail, qui vient de publier une note sur le sujet.

La pollution sonore est-elle une réalité pour beaucoup d’actifs ?
Oui, et il faut rappeler que ce n’est pas une problématique récente. L’association Journée nationale de l’audition (JNA ) alerte là-dessus depuis plusieurs années, mais ce n’est jamais devenu une vraie préoccupation. Les nuisances sonores au travail touchent de nombreux actifs et des populations très diverses dans tous les secteurs d’activités. On constate cependant peu de réactions face à cette situation, que ce soit de la part des travailleurs eux-mêmes qui, souvent, éludent le problème alors qu’ils sont gênés, ou des employeurs, qui ne mettent pas la problématique du bruit dans leurs priorités en matière de prévention.

Mais pourquoi les travailleurs concernés ne réagissent-ils pas alors qu’ils disent être gênés ?
On constate un certain fatalisme, notamment de la part des plus jeunes qui, bien souvent, considèrent que le bruit fait partie de l’environnement de travail et que l’on est obligé de faire avec. Aussi, les collaborateurs ne savent-ils pas toujours comment agir face à ce problème. On assiste aussi, d’une certaine manière, à un phénomène d’évitement qui consiste à minimiser l’impact du bruit sur le quotidien professionnel. Pour les employeurs, le bruit n’est pas une cause d’absentéisme en tant que telle au même titre que les risques psychosociaux (RPS) ou les troubles musculosquelettiques (TMS). Il peut pourtant être une cause indirecte d’absentéisme, dans la mesure où il contribue à générer une grande fatigue et peut contribuer à une santé mentale dégradée.
La réflexion post-Covid autour des espaces de travail peut être l’occasion d’aborder en profondeur cette problématique.

Selon la note que vous avez publiée pour la Fondation Jean-Jaurès, il semble que les agents publics ne soient pas épargnés par le phénomène…
Les nuisances sonores au travail concernent 52 % des actifs en poste et 59 % des personnes travaillant dans le secteur public. Cela est notamment lié au fait que les métiers du secteur public sont souvent des métiers de front office. Les agents sont souvent en contact avec les usagers et nous sommes quand même dans une société dans laquelle les rapports ne sont pas toujours très courtois. Quand on est confrontés à ce type d’échanges, de manière directe ou indirecte, cela provoque de la gêne auditive. Les agents du secteur public ne mettent pas en avant plus d’efforts de la part de leur employeur que ceux du secteur privé. À l’exception du BTP, le bruit reste le parent pauvre en matière de visibilité des actions de prévention.

Les employeurs publics sont nombreux à réfléchir autour de nouvelles organisations de leurs espaces de travail. Accordent-ils une attention suffisante aux aspects acoustiques ?
Souvent, les employeurs se limitent à la fourniture de bouchons d’oreilles. Pourtant, la réflexion post-Covid autour des espaces de travail peut être l’occasion d’aborder en profondeur cette problématique du bruit et de la gêne qu’il génère. Certaines choses sont mises en place [par exemple, l’installation de panneaux acoustiques, ndlr], mais cela n’est pas forcément perçu par les collaborateurs et pas toujours suffisant.

Quelles peuvent être les conséquences des nuisances sonores au travail à moyen ou long termes ?
On peut citer les acouphènes, encore très peu reconnus alors qu’ils peuvent faire l’objet d’une reconnaissance de qualité de travailleur handicapé (RQTH). Nous sommes vraiment sur un phénomène qui passe sous les radars alors que les nuisances sonores au travail ont de nombreuses conséquences sur la charge mentale, la fatigue, l’irritabilité, mais aussi les tensions relationnelles au travail et qui peuvent avoir des conséquences sur la vie privée. Toutes ces résultantes extra-auditives sont relativement peu prises en compte alors qu’une majorité d’actifs se déclarent gênés.
Propos recueillis par Marie Malaterre

Article Acteurs Publics du 13 juin 2024

Article publié le 17 juin 2024.


Politique de confidentialité. Site réalisé en interne et propulsé par SPIP.