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Comme chaque année, l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE) a publié son panorama des investissements climatiques en France. Alors que la dynamique était positive jusqu’à 2023, la tendance s’est inversée l’an dernier et les perspectives ne sont pas meilleures pour 2025. À la veille du PLF 2026, le think tank met l’État devant ses responsabilités , tout en alertant sur la nécessité d’engager des actions à long terme.
“Pour la première fois depuis dix ans, hors crise sanitaire, le montant des investissements climat réalisés par les entreprises, les ménages, les collectivités et l’État recule en France”. Benoît Leguet, directeur général de l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE), sonne l’alerte. Le think tank vient de publier son panorama des investissements climat, qui fait chaque année le point sur les dépenses engagées dans les différents secteurs pour atteindre les objectifs climatiques que s’est fixés la France.
Et sans surprise, au regard de la conjoncture économique et du climat morose pour l’écologie, les résultats ne sont pas bons. Les investissements climat avaient engagé une “dynamique positive” entre 2021 et 2023, mais l’année 2024 a inversé la tendance : l’an dernier, ils s’élevaient au total – privé et public confondus – à 102 milliards d’euros, ce qui représente une baisse de 5 % sur un an. Et surtout, la situation ne s’améliorerait pas en 2025. “D’après les premières données disponibles, et selon une estimation provisoire à mi-année, le niveau des investissements climat stagnerait en 2025, à hauteur de 103 milliards d’euros”, alerte l’institut de recherche.
Recul imputable aux “revers des politiques publiques”
Les secteurs les plus en retard sont ceux de la construction performante et de la rénovation énergétique. Sont également concernées les énergies renouvelables, notamment l’éolien en mer et l’injection de biométhane. De fait, une partie du recul des investissements s’explique par la conjoncture économique générale, notamment le coût du crédit. En revanche, “le recul des investissements climat s’explique aussi par des revers dans les politiques publiques”, assure le rapport. Prenons l’exemple des véhicules électriques : les normes européennes avaient stimulé les investissements en la matière jusqu’en 2023. Mais la cible initialement prévue pour 2025 ayant été révisée, les volumes d’investissements l’ont également été.
Le volet budgétaire est en cause, les dépenses de l’État en soutien aux nouveaux investissements climat ayant commencé à reculer. “Or, bien qu’ils ne représentent que 16 % du total des investissements climat, les financements budgétaires sont cruciaux pour la rentabilité des projets ou pour surmonter le manque de capacité financière des ménages et des entreprises”, alerte le rapport. Le tableau n’en demeure pas tout noir : certains secteurs ont augmenté leurs investissements en faveur du climat en ayant été soutenus par les pouvoirs publics, par exemple via le renforcement du fonds chaleur.
Des besoins qui demeurent
Cette situation s’avère d’autant plus problématique que les besoins d’investissement climat vont augmenter. Au total – secteur public et privé confondus –, les investissements doivent progresser de 87 milliards d’euros par rapport à leur niveau de 2024 à horizon 2030. Et, ce, sans compter les besoins d’investissements dans la recherche, l’adaptation au changement climatique et l’agriculture, les estimations d’I4CE s’étant concentrées sur les secteurs les plus émetteurs.
Et, alors qu’ils ne représentent aujourd’hui qu’un quart de la part totale, les pouvoirs publics vont devoir mettre davantage la main au portefeuille si rien n’est fait. “Face au déficit d’investissement climat, et sans action de maîtrise des dépenses, les besoins de dépenses publiques supplémentaires atteindraient 52 milliards d’euros en 2030”, assure ainsi le rapport.
Ce chiffre de 52 milliards incombant aux pouvoirs publics n’est cependant pas figé dans le marbre. L’État dispose de divers instruments, comme la réglementation, la révision de la fiscalité, l’allocation d’aide à un public restreint ou même l’augmentation des tarifs de certains services publics pour alléger sa facture et augmenter celle du secteur privé. “Combiner ces mesures ramène les besoins de dépenses publiques supplémentaires à 18 milliards d’euros, mais implique une contribution plus forte des ménages et des entreprises en tant que porteurs de projet, ce qui peut se heurter à leurs capacités limitées ou accentuer des inégalités face au coût de la transition”, alerte tout de même I4CE.
Sur ces 18 à 52 milliards d’euros à décaisser, l’État représenterait 11 à 45 milliards d’euros au-dessus du montant déboursé en 2024 et les collectivités de 5 à 9 milliards d’euros. Les besoins de dépenses concernent principalement la rénovation des bâtiments publics, suivi par le domaine de la mobilité.
Crainte d’une “deuxième année noire”
Résultat : la balle est désormais dans le camp des pouvoirs publics. Les experts de l’Institut de l’économie pour le climat les invitent à “consolider leur stratégie de financement”, en s’appuyant sur la “large palette d’instruments, budgétaires mais aussi extra-budgétaires comme les certificats d’économies d’énergie (CEE)”. Et ils ne doivent pas attendre, étant donné le laps de temps nécessaire aux mises en œuvre effectives des réformes. De fait, “il faut donc agir sur la réglementation et la fiscalité bien avant de pouvoir réduire les financements publics”, insiste le panorama annuel d’I4CE.
Les enjeux vont donc au-delà du prochain projet de loi de finances. “Tout ne se jouera pas dans le budget 2026. Maintenir la dynamique d’investissement, c’est avant tout offrir aux filières de la visibilité et de la stabilité, pour leur donner les moyens de se structurer”, insiste Benoît Leguet. Visibilité de moyen et long terme sur les objectifs sectoriels, avec de la réglementation qui ne fasse pas du stop and go délétère.”
Mais pour le directeur général d’I4CE, le PLF 2026 revêt tout de même un enjeu de stabilité. “Après une loi de finances 2025 peu amène envers le climat, offrons à la transition écologique a minima une stabilité budgétaire en 2026, conclut-il. Pas d’année blanche pour le climat, comme l’a rappelé Amélie de Montchalin. Et surtout pas de deuxième année noire.”
Article Acteurs Publics du 15 juillet 2025
Article publié le 15 juillet 2025.