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Paris 2024 : les rémunérations de plusieurs dirigeants du comité d’organisation olympique français ont augmenté fin 2023, malgré des salaires déjà élevés

L’émission "Complément d’enquête", diffusée jeudi sur France 2, s’est intéressée au coût des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, en particulier aux rémunérations des dirigeants du comité d’organisation.

A Paris La Défense Arena, samedi 23 mars, le président de Paris 2024, Tony Estanguet, a accueilli en grande pompe les 45 000 volontaires qui ont répondu à l’appel pour aider gratuitement à l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques qui se tiendront en France cet été. Mais ce bel esprit Coubertin n’est, semble-t-il, pas forcément partagé au plus haut sommet de la pyramide... Pour un numéro consacré au budget des JO et diffusé jeudi, les équipes de "Complément d’enquête" ont mis la main sur plusieurs documents qui montrent que ces Jeux olympiques sont, pour certains dirigeants du comité d’organisation, particulièrement rémunérateurs.

Parmi ces documents figure une note budgétaire interne datée du 11 décembre dernier et à destination du conseil d’administration du Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques (Cojop). Les 106 pages détaillent par le menu les dépenses du comité, notamment le budget consacré à la masse salariale globale pour toute la durée d’organisation des Jeux. L’estimation est de 584,8 millions d’euros.

Un demi-milliard d’euros de masse salariale

Cette somme concerne l’intégralité des salaires versés depuis 2017, de la trentaine d’employés des débuts aux 4 000 feuilles de paye qui seront éditées au moment des JO, explique Michaël Aloïsio, le porte-parole du comité d’organisation. "Lorsque vous organisez les Jeux olympiques, vous avez besoin des meilleurs experts au monde, et donc il n’est pas anormal que notre principal poste de dépense soit sur cette expertise !"

Si elle paraît assumée par le comité d’organisation, cette masse salariale est tout de même supérieure de 115 millions d’euros à la somme annoncée dans le dossier de candidature. Par ailleurs, "Complément d’enquête" a exhumé un autre document qui met quelque peu à mal l’idée de salariés qui seraient payés au juste prix. Il s’agit d’un pré-rapport de la Cour des comptes daté de mars 2021, qui a servi de base de travail à l’institution. Celle-ci y évoque des niveaux de salaire plus élevés en moyenne au Cojop que dans le secteur privé.

Dans un tableau récapitulant notamment la grille salariale des dirigeants du comité d’organisation, on découvre ainsi que 13 directeurs sont rétribués à hauteur de 153 000 euros brut annuels, que huit directeurs exécutifs sont payés plus de 200 000 euros, et que le salaire du directeur général est de 260 000 euros par an. Toujours selon la Cour des comptes, le coût total des cinq rémunérations les plus élevées s’élève à 2,2 millions d’euros par an, parts variables et primes de "fidélité" comprises.

Des augmentations conséquentes

"La Cour des comptes considère clairement qu’il y a beaucoup trop de gens payés beaucoup trop cher au sein du comité d’organisation", analyse l’économiste Wladimir Andreff. "D’ailleurs, si ce comité suit les recommandations de la Cour des comptes, on peut s’attendre à un peu d’austérité salariale, et donc à quelques grincements de dents à l’intérieur du Cojop, ajoute-t-il. Car pour cette dernière année, ils sont censés devoir baisser leurs prétentions."

Cette cure d’austérité n’est pourtant pas à l’ordre du jour, selon Claudia Rouaux, députée socialiste d’Ille-et-Vilaine, et membre du comité de rémunération de Paris 2024 depuis septembre. L’élue socialiste se dit très en colère après avoir constaté des augmentations salariales, encore en cours au sein du Cojop, malgré les alertes de la Cour des comptes. Documents confidentiels à l’appui, elle détaille en exclusivité à "Complément d’enquête" ces augmentations qui "concernent une dizaine de cadres dirigeants", validées lors de la dernière réunion du comité au mois de novembre.

"Pour la majorité, c’est entre 7 et 10%, ce qui est déjà conséquent, explique-t-elle. Mais certains d’entre eux, font carrément des bonds de 15 000 euros sur un an... D’autres se voient augmenter de 32 000 euros supplémentaires... Il y a même une directrice de la communication qui voit son salaire passer de 150 à 195 000 euros annuels ! Vous vous rendez compte ?"

Questionné sur cette augmentation de 45 000 euros annuels pour sa directrice de la communication, le comité d’organisation assume : "Sur ce point précis, nous avions un sujet qui nous tient particulièrement à cœur : celui de l’égalité salariale. Notre comité des rémunérations nous avait alertés sur certains profils féminins qui n’étaient pas à la hauteur des meilleurs salaires. Cette situation a donc été corrigée avec la promotion de cette directrice en tant que directrice exécutive. Et le montant du salaire associé à cette fonction (195 000 euros par an) est à la hauteur des responsabilités sur ce type de poste."

Le cas particulier du président Tony Estanguet

Parmi toutes les rémunérations, une en particulier suscite l’intérêt du Parquet national financier, celle du visage des Jeux : Tony Estanguet. La justice a ouvert en début d’année une enquête sur les conditions de rémunération du président du Cojop et se penche actuellement sur le montage mis en place pour payer l’ancien champion olympique de canoë, qui facture ses services en tant que travailleur indépendant via une société créée pour l’occasion. Sur ce point, le Cojop explique que l’ex-céiste, parce qu’il est président d’une association, ne pouvait pas avoir le statut de salarié. Dans un rapport de 2021, l’Agence française anticorruption évoquait à ce sujet un "montage atypique".

Le montant des factures est plutôt conséquent, comme a pu le vérifier "Complément d’enquête" à partir de données internes au comité de rémunération. En 2022, Tony Estanguet a par exemple perçu 239 328 euros net, auxquels s’ajoute une part variable de 47 387 euros, soit un total de 286 715 euros net. En outre, si Tony Estanguet reste en poste jusqu’à la fin des JO, il aura droit à une sorte de prime dite "de fidélité", qui équivaudra à 10% de la totalité de ses revenus. Selon nos calculs, il aura donc touché en moyenne autour de 300 000 euros net par an pendant sept ans.

Le Cojop rappelle que ces émoluments ont été décidés et validés par le comité des rémunérations dès 2018, et qu’ils ont été fixés après une analyse du marché et une comparaison avec les salaires des dirigeants sportifs français. Le comité ajoute que cette rétribution est inférieure, par exemple, à celle de Sebastian Coe, le patron des JO de Londres en 2012, estimée à plus de 400 000 euros.

"Là encore, c’est totalement démesuré, s’émeut Claudia Rouaux. Les Jeux olympiques sont censés être un moment populaire. Il y a 40 000 bénévoles parce que le Cojo n’avait pas, a priori, les moyens de payer trop de salariés. Les bénévoles doivent se déplacer et se loger à leurs frais. Donc ça va leur coûter de l’argent... Quand je fais le parallèle avec toutes ces rémunérations pour les organisateurs, je suis heurtée !"

Tony Estanguet, accompagné de Michel Cadot, délégué interministériel aux Jeux olympiques et paralympiques, doit être auditionné mercredi à l’Assemblée nationale dans le cadre de la commission des affaires culturelles devant 80 députés. Parmi eux se trouve Maxime Minot (LR), coprésident du groupe de suivi de la préparation des JO. Interrogé il y a quelques jours par "Complément d’enquête", le parlementaire assure avoir découvert le montant de toutes ces rémunérations lors du tournage. Il affirme être particulièrement choqué par ces révélations et a promis d’interroger le président de Paris 2024 à ce sujet.

"Complément d’enquête" consacre un numéro aux Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 et à leur budget, jeudi 28 mars. A regarder sur France 2, franceinfo.fr ou france.tv.

Article France Info du 27 mars 2024

Article publié le 27 mars 2024.


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