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Les agents d’entretien en grève à Sciences Po arrachent quelques victoires

Après cinq jours, les 77 grévistes ont mis fin à leur mouvement. Salariés de la société Atalian, dont le contrat prend fin le 31 mars, ils ont obtenu le paiement d’un treizième mois et la garantie que l’accord serait respecté en cas de changement de prestataire.

« C’est une victoire pour les salarié·es, c’est un soulagement. Les employé·es ont gagné le respect de tous et surtout leur dignité. Mais on reste sur nos gardes en attendant la décision de Sciences Po », déclare Layla Mabrouk, représentante CFDT des personnels d’entretien de la société Atalian qui exercent à Sciences Po-Paris. Après cinq jours de mobilisation massive, dans l’un des quartiers les plus cossus de la capitale, les agent·es viennent d’arracher plusieurs avancées sociales majeures.

L’accord a été scellé mardi 11 mars au matin, après des négociations entre la direction d’Atalian, la société prestataire du ménage dans l’établissement, et les représentant·es de ses agent·es. « Plusieurs des revendications des grévistes ont ainsi été obtenues à la suite de la grève : un treizième mois, véritable acquis social associé au site de Sciences Po, sera accordé à tou·tes les agent·es d’entretien présent·es et futur·es », souligne le communiqué des étudiant·es du collectif du Lien, mobilisé à leurs côtés.

Le treizième mois sera mis en œuvre progressivement : 50 % en 2025, 75 % en 2026 et 100 % en 2027.

Sciences Po se réjouit qu’un accord ait été trouvé entre la société Atalian et son personnel, qui va permettre que les prestations propreté reprennent dès demain, et la réouverture du campus dans de bonnes conditions », indique l’école à Mediapart, ajoutant ne pas avoir participé aux négociations.

Une commission réunissant les syndicats et la direction d’Atalian permettra aussi d’étudier la charge de travail et les qualifications des employé·es au cas par cas, afin d’« améliorer les conditions de travail et [de] reconnaître les compétences des salarié·es », précise un communiqué du syndicat CFDT francilien de la propreté. Au premier jour de leur mobilisation, le 6 mars, ces agent·es estimaient que leur masse de travail s’apparentait à « de l’esclavage », après la réduction de 700 heures du volume de ménage financé par Sciences Po depuis 2023.

« Les patrons : les voleurs, Sciences Po : complice », scandaient ainsi les 77 salariés du prestataire, alors qu’ils avaient réussi à imposer leur mobilisation au sein des locaux. Le lendemain, Sciences Po annonçait la fermeture de ses sites parisiens. L’établissement confirme à Mediapart que les cours pourront reprendre en présentiel dès le mercredi 12 mars, après deux journées d’enseignement à distance.

Tensions avec l’école

Les avancées obtenues devront être garanties, tout comme la masse salariale, même si le prestataire change, au terme du contrat avec Atalian, qui prend fin le 31 mars. « Cet accord, on l’a signé avec Atalian, mais les autres sociétés, si elles viennent, devront respecter l’accord du site, pour les salariés actuels et futurs. Mais on reste sur nos gardes au cas où Sciences Po changerait de prestataire. S’il faut, nous reconduirons le mouvement à la fin du mois, prévient Layla Mabrouk. On n’accepte à aucun moment qu’ils retirent encore du monde pour s’occuper des mêmes surfaces. »

Les étudiant·es se réjouissent aussi de l’abandon de la centrale de marchés publics Ugap, « connue pour ses pratiques antisociales ». Une victoire que ne peut pas encore confirmer Layla Mabrouk : « C’est à Sciences Po de valider ça. Mais ils ne nous ont pas encore reçus. Alors ça, on ne sait pas. Sciences Po ne nous a pas encore montré qu’ils étaient ouverts au dialogue. Seul Atalian s’y engage », précise la syndicaliste.

Cette victoire intervient après de vives tensions avec la direction de l’école, qui dénonçait le 7 mars « des événements graves ayant conduit à des violences et des dégradations ». Sciences Po a fustigé dans un communiqué la présence de personnels extérieurs aux agent·es d’entretien dans ses locaux, tout en pointant « des violences physiques inacceptables […] commises à l’encontre de membres de [son] personnel et d’agents de sécurité de [son] prestataire, ainsi que des dégradations matérielles importantes ».

Des accusations réfutées par Layla Mabrouk : « Sciences Po a publié des communiqués mensongers comme quoi les salariés ont cassé des choses. On a très bien compris que Sciences Po a essayé de briser la solidarité mais les étudiant·es sont resté·es solidaires. » Les étudiant·es du collectif du Lien condamnent « un appareil de désinformation inédit » de la part de la direction : « Le mépris avec lequel la direction a répondu traduit sa non-reconnaissance du caractère essentiel de ces emplois », dénonce leur communiqué. Les étudiant·es regrettent par exemple que la direction n’ait jamais pris le soin de recevoir leurs représentant·es ou ceux des personnels.

« C’est une victoire en demi-teinte que nous célébrons aujourd’hui. Ces acquis vont résolument et profondément changer les conditions de travail à Sciences Po, et nous nous réjouissons pour elles et eux. Néanmoins, aucune avancée structurelle n’a été gagnée pendant cette lutte : la perspective d’une étude sur la réinternalisation des agent·es d’entretien reste très lointaine et la posture de la direction de Sciences Po vis-à-vis du mouvement est déplorable. » Ils ajoutent que certaines questions n’ont pas été éclaircies par l’établissement : « L’insalubrité et l’absence des vestiaires, le travail pour l’intégration et la reconnaissance de ces métiers au cœur de nos universités (plage horaire, intégration dans la vie communautaire…) ou une étude indépendante sur l’internalisation. »

Dans sa réponse à Mediapart, Sciences Po indique rester vigilant pour « que les conditions de travail, et notamment la question des locaux pour se changer, soient conformes aux souhaits exprimés par les salariés d’Atalian intervenant sur [ses] sites ».

Article MEDIAPART du 11 mars 2025

Article publié le 12 mars 2025.


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